Après son licenciement par Google, l’auteur du manifeste sexiste reçoit une vague de soutien
Après son licenciement par Google, l’auteur du manifeste sexiste reçoit une vague de soutien
Des sympathisants de l’« alt-right » américaine ont défendu James Damore en appelant au boycott de Google. Des personnalités comme Julian Assange ont aussi exprimé leur soutien.
Google est dans l’embarras depuis la diffusion d’un texte controversé rédigé par un de ses employés. / MIKE BLAKE / REUTERS
Le débat s’est encore envenimé, depuis le licenciement lundi 7 août par Google de James Damore, auteur d’un manifeste sexiste controversé critiquant la politique de diversité de l’entreprise. Largement diffusé en interne la semaine dernière, ce long texte, qui a beaucoup choqué dans l’entreprise, a aussi fait parler de lui sur les réseaux sociaux. Fermement condamné par de nombreux salariés de Google et par la direction, jusqu’au licenciement de son auteur, il bénéficie depuis d’une vague de soutien d’une partie des internautes, notamment de la mouvance dite « alt-right », proche de l’extrême droite américaine. Mais pas uniquement.
Le blogueur masculiniste Mike Cernovich appelle par exemple, sur son compte Twitter suivi par plus de 326 000 abonnés, à une « marche sur Google », accompagnant son mot d’un détournement du logo de Google, transformé en « Goolag » – quand il n’est pas carrément orné de croix gammées par d’autres.
It’s time to #MarchOnGoogle
https://t.co/ilPYHpKXM4 https://t.co/UH5cX1PQoI
— Cernovich (@Mike Cernovich 🇺🇸)
Dans la page web vers laquelle il renvoie, un message invite les internautes à manifester devant les bureaux de l’entreprise. « Google est un monopole, et il abuse de son pouvoir pour faire taire les voix dissidentes », peut-on lire sur ce site.
Une autre figure très suivie de l’alt-right, Paul Joseph Watson, chroniqueur pour le site conspirationniste InfoWars, écrit de son côté : « Si vous voulez une vision du futur, imaginez une foule déchaînée de “progressistes” cinglés écraser la liberté d’expression pour toujours. »
A leurs côtés, de nombreux internautes ont exprimé leur mécontentement, certains allant jusqu’à prendre à partie et harceler la nouvelle vice-présidente de la diversité chez Google, Danielle Brown, qui a dû rendre son compte Twitter privé face à l’avalanche d’insultes qu’elle recevait.
Beaucoup d’internautes ont aussi appelé au boycott de Google. « La diversité ne concerne visiblement que ce qui se voit de l’extérieur. La différence d’opinion n’est pas tolérée. #BoycottGoogle, utilisez Bing », écrit par exemple un internaute. Un autre considère quant à lui que « le licenciement de James Damore confirme complètement son propos ».
WikiLeaks lui propose un emploi
Dans le long texte argumenté qu’il a diffusé la semaine dernière sur les canaux internes de l’entreprise, James Damore affirmait que le manque de femmes parmi les ingénieurs de l’entreprise et dans les postes à responsabilités n’était pas le fait du sexisme, mais de « différences biologiques » entre les hommes et les femmes. Dans ce manifeste, il reprochait à Google une politique de discrimination positive, « injuste, clivante et mauvaise pour les affaires », tout en dénonçant le « biais de gauche » de l’entreprise sur les questions de diversité en général. Pour lui, la « monoculture » de Google empêche les personnes ne partageant pas le même point de vue de s’exprimer.
Les sympathisants de la mouvance alt-right ont réagi au quart de tour à l’annonce de son licenciement, mais ne sont pas les seuls à s’être indignés. Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, a par exemple publié plusieurs tweets virulents, dont l’un pour tendre la main à James Damore. « La censure, c’est pour les losers. WikiLeaks offre un emploi à l’ingénieur James Damore licencié par Google », écrit-il, sans plus de précision.
1/ Censorship is for losers. @WikiLeaks is offering a job to fired Google engineer James Damore.
https://t.co/tmrflE72p3
— JulianAssange (@Julian Assange 🔹)
Plusieurs tribunes ont également été publiées dans de grands médias pour critiquer la décision de Google. Comme le chroniqueur de CNN et avocat spécialiste de la liberté d’expression Marc J. Randazza :
« Je suis globalement en désaccord avec [James Damore], même s’il a quelques bons arguments – mais ce n’est pas le sujet. Je m’oppose catégoriquement à l’idée que si vous avez une opinion trop éloignée de ce qui est considéré comme “politiquement correct”, alors la punition appropriée est que vous perdiez votre travail. »
Condamnation ferme chez Google
Dans la Silicon Valley également, quelques – rares – voix se sont élevées pour défendre l’auteur de ce manifeste, comme Eric Weinstein, un investisseur proche de Peter Thiel, l’un des seuls noms du secteur à avoir soutenu Donald Trump à l’élection présidentielle. Sur Twitter, il écrit : « Cher Google, arrêtez d’enseigner à ma fille que le chemin vers l’indépendance financière n’est pas de coder mais de se plaindre aux RH. »
Dans les rangs de Google, James Damore a aussi trouvé des soutiens, avant et après son licenciement, comme le souligne le site spécialisé Wired, qui a obtenu des copies de messages ayant circulé dans l’entreprise.
Cette vague de soutien est toutefois à relativiser, par rapport aux nombreuses réactions indignées qui ont suivi la diffusion du texte de James Damore. Et la condamnation ferme de Sundar Pichai, le PDG de Google qui, tout en reconnaissant « qu’une grande partie de ce qui était dans ce mémorandum mérite d’être débattu », estime que certaines parties du texte « dépassent les limites en avançant des stéréotypes de genre dangereux » et violent le code de conduite de l’entreprise.
Dès l’annonce de son licenciement connue, James Damore avait annoncé à la presse qu’il envisageait tous les recours légaux possibles. Et Google pourrait être mis dans l’embarras : mardi, James Damore a affirmé avoir déposé une plainte auprès du National Labor Relation Board, l’agence fédérale chargée de s’assurer du respect du droit du travail. Et ce avant d’être licencié par Google. Or, la loi américaine interdit de licencier un employé pour le punir d’avoir déposé une plainte.
La situation est dès aujourd’hui très délicate pour Google, prise entre deux feux. D’un côté, l’entreprise est régulièrement critiquée pour son manque de diversité dans ses rangs, majoritairement composés d’hommes blancs – une enquête du département américain du travail est d’ailleurs en cours sur les différences de salaires entre les hommes et les femmes dans l’entreprise. De l’autre côté, Google fait maintenant l’objet de virulentes critiques lui reprochant de se montrer trop brutal avec ce licenciement et de renier la liberté d’expression, que l’entreprise a toujours assuré défendre.