Brexit : Londres veut une union douanière temporaire avec l’UE
Brexit : Londres veut une union douanière temporaire avec l’UE
Par Eric Albert (Londres, correspondance)
Détaillant enfin sa position de négociation, le Royaume-Uni souhaite une période d’environ deux ans où l’union douanière resterait de facto en place.
Mardi 15 août, le gouvernement britannique a publié un document de quatorze pages sur la question de l’union douanière. / BEN STANSALL / AFP
Face à l’immense complexité politique, juridique et économique du Brexit, le Royaume-Uni a décidé de son approche : temporiser. Dans un document dévoilant enfin ses objectifs de négociation en matière de commerce, le gouvernement britannique a annoncé, mardi 15 août, qu’il souhaitait mettre en place une période de transition d’environ deux ans, pendant laquelle le statu quo prévaudrait.
Jusqu’à présent, au grand agacement de Bruxelles, Londres n’avait guère détaillé son approche du Brexit. La première ministre, Theresa May, avait bien présenté en janvier ses grandes lignes, précisant vouloir sortir du marché unique (les règles et normes communes au sein de l’UE) et de l’union douanière (l’absence de droits de douane à intérieur de l’UE, et la mise en place de droits de douane communs avec le reste du monde). Mais jusqu’à présent, Londres conservait un flou total sur la façon dont il comptait s’y prendre. Et la cacophonie émanant des différents ministres n’aidait pas.
Mardi, le gouvernement britannique a finalement publié un document sur la question de l’union douanière. Celui-ci est court (quatorze pages), mais il précise quand même son approche, en deux étapes : d’abord, une période de transition d’environ deux ans, où presque rien ne changerait ; ensuite, un accord douanier entre le Royaume-Uni et l’UE qui permette « le commerce de biens le plus libre et avec le moins de frictions possible ».
Une sortie effective de l’UE prévue à la fin de mars 2019
La vraie annonce concerne la période de transition, à partir de la sortie effective de l’UE, prévue à la fin de mars 2019. Celle-ci faisait l’objet de vastes débats au sein du gouvernement. Finalement, Philip Hammond, le chancelier de l’Echiquier, qui militait pour une telle approche, semble s’être imposé. Le reste du gouvernement s’est rendu à l’évidence : même si Londres et Bruxelles trouvent un accord de libre-échange, celui-ci risque d’être conclu à la dernière minute. Il faudra ensuite laisser le temps aux entreprises de s’adapter aux nouvelles règles et aux douanes de modifier leurs procédures. Sinon, le risque est de se retrouver avec des embouteillages monstres de camions bloqués aux frontières, face à des douanes débordées, à Douvres comme à Calais.
A quoi ressemblerait l’accord temporaire ? « Ce serait aussi proche que possible de l’arrangement actuel », répond David Davis, le ministre chargé de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Techniquement, le Royaume-Uni serait hors de l’union douanière, puisqu’il ne serait plus membre de l’UE, mais l’objectif est de répliquer point par point la situation telle qu’elle existe. Pour les importateurs et les exportateurs, rien ne devrait changer.
Il y aurait cependant une différence importante : pendant la transition, « le Royaume-Uni pourra mener des accords commerciaux avec d’autres pays (hors de l’UE) », précise le document. Cet argument est essentiel, puisqu’il s’agit du Graal tant mis en avant par les partisans du Brexit : Londres pourra avoir sa propre politique commerciale, ne dépendant plus de Bruxelles dans ce domaine. Néanmoins, les éventuels accords de libre-échange ne pourraient pas être effectifs pendant la transition et il faudra attendre son échéance pour qu’ils entrent en vigueur.
Les préalables à un arrangement
La durée exacte de la transition souhaitée par Londres n’est pas précisée, mais M. Davis parle de « deux ans, peut-être un peu moins » ; M. Hammond avait, lui, évoqué « deux à trois ans ».
Reste que rien de tout cela ne pourra se faire si Bruxelles n’est pas d’accord. Et du côté de la Commission européenne, l’accueil a été froid. Michel Barnier, le négociateur européen, rappelle qu’il exige au préalable que la procédure de « divorce » soit bien avancée, avant de parler d’un futur arrangement commercial. Il demande en particulier que soient réglés la facture du départ britannique, le sort des citoyens européens qui vivent au Royaume-Uni (et des Britanniques qui vivent dans l’UE) et la question de l’Irlande du Nord. « Plus [ce sera fait] rapidement, plus nous pourrons discuter tôt des questions douanières et de notre future relation », dit le Français.
Pourquoi Bruxelles accepterait-elle d’accorder une période de transition à Londres ? D’abord, l’UE dégage un excédent commercial avec le Royaume-Uni, et ses exportateurs souffriraient si aucun accord n’était trouvé. De plus, Londres pourrait accepter de payer pour ce privilège. Interrogé sur la BBC sur une telle éventualité, M. Davis ne ferme pas la porte, se contentant de botter en touche : « Je ne vais pas mener les négociations à la radio. »
Après la période de transition, le Royaume-Uni imagine deux scénarios, à chaque fois avec l’objectif de conserver le plus possible le libre-échange actuel. Le premier consiste à rendre le passage aux douanes le plus rapide et le plus simple possible. Le gouvernement britannique évoque par exemple un enregistrement des camions avant leur arrivée dans les ports, des procédures simplifiées, etc.
Dans le deuxième scénario, le Royaume-Uni répliquerait les droits de douane européens à l’importation, tout en étant libre d’en fixer d’autres avec le reste du monde. Mais cela nécessiterait un système de suivi électronique des biens, et Londres reconnaît qu’une telle solution « n’a jamais été testée ».