Le nouvel ambassadeur russe aux Etats-Unis, Anatoli Antonov, à Moscou, en 2015. / SERGEI KARPUKHIN/REUTERS

Anatoli Antonov, nommé ambassadeur russe aux Etats-Unis par un décret de Vladimir Poutine, lundi 21 août, va succéder à Sergueï Kislyak, que la presse américaine ne présente plus que comme un « maître espion ». La mission du diplomate de 62 ans, telle qu’il l’a lui-même définie, consiste d’abord à « redresser la pente » dans un pays plongé en pleine tourmente sur sa relation avec la Russie.

La candidature de M. Antonov avait déjà été validée par la Douma, la Chambre basse du Parlement russe, lors d’une séance à huis clos, avant d’être adoubée, le 22 mai, par le Conseil de la fédération, l’équivalent du Sénat.

La décision du Kremlin de changer son représentant n’a pas de liens avec « l’ingérence russe » dans l’élection présidentielle américaine ni même avec les nombreuses liaisons supposées entre des proches de Donald Trump et des responsables russes. Moscou avait envisagé cette nomination dans l’hypothèse de la victoire d’Hillary Clinton.

Moscou, qui jugeait alors, comme d’autres capitales, quasi acquise l’élection de la candidate, avait prévu de nommer un ambassadeur de « combat » face à la démocrate accusée de longue date de vouloir déstabiliser le Kremlin en encourageant ses opposants. « Elle a donné le la pour certains militants dans le pays », avait affirmé en public Vladimir Poutine. L’élection de Donald Trump à la Maison Blanche n’a pas réchauffé les relations.

Spécialiste des questions de désarmement

Dans le contexte actuel de tensions et d’incertitudes, l’ambassadeur pressenti a donc été maintenu. Diplômé de la prestigieuse université d’Etat des relations internationales de Moscou, Anatoli Antonov a travaillé trente années durant au ministère des affaires étrangères. Il a mené en juin 2007 la délégation russe à Vienne, lors de la conférence extraordinaire convoquée à la demande de Moscou pour modifier le traité sur les forces conventionnelles en Europe, qui s’était achevée sur un échec. En 2015, la Russie s’est finalement retirée totalement de ce traité.

Devenu un spécialiste des questions du désarmement, le diplomate a piloté les négociations russo-américaines en mai 2009 sur le nucléaire. Celles-ci ont donné naissance en 2010 au nouveau Traité sur la réduction des armes stratégiques offensives (START), qui prévoit notamment de limiter à 1 500 le nombre d’ogives dans chacun des deux pays. Le dossier suit désormais les hauts et les bas de la relation bilatérale, puisqu’en octobre 2016, Vladimir Poutine a suspendu par décret un accord de coopération russo-américain sur la recherche scientifique et le développement de l’énergie nucléaire. Une première.

C’est par décret, aussi, que le chef du Kremlin a nommé Anatoli Antonov, vice-ministre de la défense en février 2011. Un transfert étonnant qui vaudra à l’intéressé, très impliqué dans le conflit en Ukraine, d’être inscrit sur les listes de sanctions canadienne et européenne instaurées après l’annexion de la Crimée et les combats dans le Donbass. Anatoli Antonov a ainsi fait son entrée dans la liste noire des personnalités russes interdites d’entrée dans l’UE le 2 octobre 2015 au motif qu’il « contribu[ait] à soutenir le déploiement des troupes russes en Ukraine ».

Mission des plus délicates

Il sera aussi au centre de l’intervention militaire russe en Syrie. En uniforme militaire, le visage rond et le regard perçant, c’est lui qui a animé en décembre 2015 la conférence de presse, organisée au QG de l’état-major russe à Moscou, au cours de laquelle le président turc Recep Tayyip Erdogan et sa famille sont accusés de trafic de pétrole en Syrie. « C’est un business familial ! », assure alors Anatoli Antonov, dans une immense salle où sont projetées des photos de convois pétroliers impossibles à identifier. Ce chapitre, qui suivait le crash d’un Soukhoï russe abattu par des avions de chasse turcs au-dessus de la frontière syrienne a, depuis lors, été refermé.

Aux Etats-Unis, la mission d’Anatoli Antonov s’annonce des plus délicates. Lundi, l’ambassade américaine en Russie a annoncé la supension provisoire de la délivrance des visas pour les « non-immigrants » et la fermeture de ce service dans ses trois consulats, à Saint-Pétersbourg, Ekaterinbourg et Vladivostok.

Cette mesure fait suite à la réduction imposée, le 30 juillet, par Vladimir Poutine du personnel de la représentation diplomatique américaine en Russie, à « 455 personnes » – soit l’équivalent de celle de la Russie aux Etats-Unis – après l’annonce de nouvelles sanctions décidées par Washington. Les Russes, qui constituent la majorité des quelque 1200 employés de l’ambassade américaine à Moscou et dans les consultats, devraient principalement faire les frais de cette annonce, comme en 1986 lorsque Moscou avait répliqué à l’expulsion de 80 diplomates russes des Etats-Unis en diminuant, sur son territoire, le nombre d’employés russes travaillant pour l’ambassade américaine.