Radhia Nasraoui a entamé une grève de la faim le 11 juillet 2017 pour dénoncer le changement du système de protection de son mari Hamma Hammami, porte-parole du Front Populaire. | Mohamed Haddad

Certains de ses amis s’inquiètent et la décrivent comme « mourante ». Mais Radhia Nasraoui, 64 ans, en grève de la faim depuis 43 jours, est encore vive quand elle parle de son combat, malgré un corps frêle et un visage émacié. Depuis le 11 juillet, la militante des droits de l’homme et opposante historique à Ben Ali n’avale que de l’eau, des tisanes et du sucre.

Pourquoi une grève de faim ? Radhia dit ne pas avoir pensé à d’autres voies de contestation, même judiciaires, car « cela prendrait des années ». Si elle adopte une démarche aussi radicale, c’est qu’elle affirme craindre pour la vie de son époux, Hamma Hammami, porte-parole Front populaire. Cette coalition de gauche radicale a déjà perdu deux de ses cofondateurs abattus par des jihadistes : Chokri Belaid, le 6 février et Mohamed Brahmi le 25 juillet 2013. A la suite de ces assassinats, Hamma Hammami, menacé, est sous la protection rapprochée de la Garde présidentielle.

« Les menaces ont-elle baissé? »

Mais depuis le 31 mai dernier, c’est le ministère de l’Intérieur qui assure cette mission. Une simple réaffectation de compétences entre les deux corps sécuritaires, selon Carthage. Contactée mardi, la porte-parole de la présidence était injoignable. Cependant, le couple dénonce une baisse substantielle et non justifiée du niveau de la sécurité. Pour Hammami, peu importe l’institution de tutelle, c’est « le système de protection qui pose problème ».

« J’ai posé une question très simple : est-ce que les menaces contre mon mari Hamma Hammami et la famille ont baissé ou sont-elles restées les mêmes ? » A cette question, Radhia Nasraoui n’a toujours pas de réponse. Elle l’a adressée, par écrit, au président de la République, au chef du gouvernement et au ministre de l’intérieur.

Seul le dernier a réagi, quelques heures avant la conférence de presse annonçant le début de la grève de la faim en juillet dernier. En réponse à Mme Nasraoui, le ministre assure que « le dispositif de l’Intérieur consiste en une surveillance permanente du domicile 24 heures sur 24. De plus, le système de protection rapprochée mis à disposition par la présidence de la république a été maintenu. Hammami continue d’être transporté dans la voiture de service utilisée par les agents assurant sa protection, car il (Hammami) n’a pas de voiture à sa disposition ».

Les intéressés contestent. Une unité de police est stationnée à une dizaine de mètres de l’entrée de leur immeuble, mais cette surveillance ne serait pas régulière. « Plusieurs amis sont venus me rendre visite et n’ont pas vu de gardes », assure Radhia Nasraoui. Ce dispositif est contraignant, selon Hammami : « Avant, pour les courses ou le coiffeur, j’étais accompagné. Aujourd’hui, seules mes activités officielles sont concernées et il faut prévenir à l’avance du moindre mouvement ». Pour le leader de la gauche radicale, ce mode de protection est « une assignation à résidence » qui ne dit pas son nom. Il a donc choisi de le défier et d’intensifier ses activités politiques.

A la suite des assassinats des leaders du Front populaire en 2013 et 2014, Nidaa Tounes et le Front Populaire ont fait cause commune dans le Front du Salut. L’actuel président Béji Caid Essebsi en a hérité une image de rassembleur.

Mais depuis, l’échiquier politique tunisien a évolué. Hammami est aujourd’hui sur l’avant-scène de l’opposition à la coalition Nida Tounes-Ennahda, le parti islamiste. Outre son appel à des élections anticipées, il s’est illustré par le rejet de l’unique projet de loi émanant de la présidence portant sur la réconciliation administrative qui, selon ses détracteurs, offre une amnistie aux fonctionnaires corrompus. Des positions qui, selon lui, auraient attiré les foudres de Carthage. « Pour ma part, ajoute Hamma, je suis sûr que c’est Essebsi en personne qui a pris cette décision. » Radhia Nasraoui insiste : « Mais on ne demande ni l’aumône, ni un privilège. C’est le devoir de l’Etat de protéger ses citoyens menacés. »