Le Sahel, une question européenne
Le Sahel, une question européenne
Editorial. Le mini-sommet entre des dirigeants européens et leurs pairs venus de l’Afrique sahélienne, qui s’est tenu à Paris le 28 août, montre que progressivement se met en place une politique européenne sahélienne à dimensions multiples.
Mahamadou Issoufou, président du Niger, Idriss Déby, président du Tchad, Emmanuel Macron et Angela Merkel, à Paris le 28 août. / JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE
Editorial du « Monde ». Le mini-sommet qui a regroupé, lundi 28 août à Paris, quelques dirigeants européens et leurs pairs venus de l’Afrique sahélienne est un symbole. L’Europe se préoccupe du Sahel. L’Union européenne désigne l’une de ses toutes premières priorités stratégiques. L’initiative en revient largement à la France – François Hollande d’abord, puis Emmanuel Macron. C’est une démarche justifiée à plus d’un titre, et qui doit s’inscrire dans le long terme.
Il suffit de regarder une carte. Passé la bordure des Etats du Maghreb, l’Afrique sahélienne – Mauritanie, Burkina Faso, Mali, Niger, Tchad – déroule une zone largement désertique dont on connaît les malheurs : grande pauvreté, démographie incontrôlée, conflits ethniques, Etats faibles, frontières relatives. C’est le terreau rêvé du djihadisme, qui, sous une forme ou une autre, sévit depuis vingt ans dans la région et y entretient une insécurité générale.
Il faudrait parler de « djihado-gangstérisme » tant le terrorisme islamiste se mêle ici à la contrebande et aux trafics en tous genres, des êtres humains à la drogue. Les maux du Sahel se nourrissant les uns des autres, les jeunes s’en vont, massivement. Ils affrontent le désert, les réseaux de passeurs criminels des Etats de transit, notamment la Libye, puis la mer. Destination : l’Europe, pour travailler ou fuir la guerre. Dans ce voyage, chaque année, ils meurent par milliers.
Ce flux migratoire ne va pas s’interrompre. Il est une donnée structurelle de la relation entre cette partie de l’Afrique et l’Europe. Les Etats les plus conscients et les plus concernés de l’UE le savent. Le Sahel est un problème européen. Il ne faut pas le limiter à sa dimension sécuritaire, a supplié lundi à Paris le président du Tchad, Idriss Déby : « Qu’est-ce qui pousse la jeunesse africaine à partir vers l’Europe ? C’est la pauvreté, le chômage, la mauvaise éducation, l’insécurité. »
Progressivement se met en place une politique européenne sahélienne à dimensions multiples. L’Allemagne et la France ont lancé cet été une « Alliance pour le Sahel » destinée à regrouper et coordonner les efforts dans le domaine de l’assistance économique à la région. Une conférence des donateurs doit se tenir en septembre.
Des réticences à l’égard des « hot spots »
L’UE a également créé cet été une cellule de coordination régionale des actions d’aide en matière de sécurité intérieure et extérieure menées en Mauritanie, au Burkina Faso, au Mali, au Niger et au Tchad : échange d’informations et surveillance des frontières. Les cinq pays du Sahel – le G5 Sahel – ont constitué une force antidjihadiste conjointe de quelque 5 000 hommes. Son financement est largement assuré par l’Allemagne et la France ; elle devrait pouvoir se déployer cet automne.
Les Etats du Sahel réunis à Paris ont dit toutes leurs réticences à l’égard des « hot spots » que le président Macron imaginait ouvrir en Libye : des centres d’enregistrement des migrants du Sahel, pour distinguer les demandeurs d’asile de ceux en quête d’emploi en Europe. Mais l’idée n’est pas abandonnée d’un contrôle des flux migratoires à partir des pays de départ.
L’important est dans cette approche globale de la question du Sahel. L’action sécuritaire est capitale : Bamako aux mains des djihadistes eût été un cauchemar. La question migratoire est aussi une priorité, pour l’Afrique comme pour l’UE. Mais, dans la lutte contre les tragédies de l’immigration et le cancer djihadiste, l’investissement, l’emploi, l’éducation compteront plus encore.