« Le Prix du succès » : difficile émancipation par le stand-up
« Le Prix du succès » : difficile émancipation par le stand-up
Par Jacques Mandelbaum
Le réalisateur Teddy Lussi-Modeste aborde l’intégration compliquée des jeunes issus de l’immigration.
En 2011 sortait Jimmy Rivière, un premier long-métrage prometteur signé Teddy Lussi-Modeste, situé dans la communauté des gens du voyage, dont est issu le réalisateur. La raison pour laquelle son deuxième long-métrage sort avec un tel retard, comme s’en explique le cinéaste dans le dossier de presse du film, aurait à voir avec les sévères déconvenues que la sortie de son premier film lui a values auprès de sa famille et de ses proches. Coécrit, comme le précédent, avec Rebecca Zlotowski, elle-même cinéaste de grand talent, cette douloureuse histoire est, précisément, au cœur du Prix du succès.
Tahar Rahim y incarne Brahim, un artiste de stand-up issu de l’immigration maghrébine, en pleine ascension. Fidèle à sa famille et toujours flanqué de son frère Mourad (Roschdy Zem, bluffant, comme d’ordinaire), un énergumène éruptif et envahissant qui l’a accompagné comme homme à tout faire dans sa réussite, Brahim ressent le besoin de voler de ses propres ailes. Ce désir d’émancipation se joue sur plusieurs fronts.
Sentimental, avec le choix de vivre avec Linda (Maïwenn, dans un rôle enfin apaisé), la femme qu’il aime et qu’il présente à sa famille. Professionnel, avec la décision de se lier à un agent réputé qui ne veut pas entendre parler de Mourad. Artistique enfin, en s’éloignant de la veine ethnico-sociale qui a forgé son succès. La mise en œuvre de ces décisions déchaînera, contre toute attente, une hostilité et une violence terrifiantes à l’encontre de Brahim, rehaussées par des choix de mise en scène délibérément oppressants (caméra portée, cadre serré, énergie explosive).
Dimension socio-historique brûlante
Sans doute le phénomène de l’emprise familiale, avec ses mécanismes pervers et ses jalousies pathologiques, est-il universel. Il se double ici d’un contentieux historique et social qui en redouble la violence. La communauté perçoit comme une trahison l’émancipation individuelle d’un de ses membres. Sa réussite sociale et sentimentale, dès lors qu’elle n’est plus contrôlée par la famille, est vécue comme une atteinte à l’intégrité communautaire.
Les étranges réactions que peut susciter le succès ont déjà donné au cinéma quelques films admirables, depuis La Valse des pantins, de Martin Scorsese, jusqu’à Backstage, d’Emmanuelle Bercot. Teddy Lussi-Modeste y ajoute, non sans courage, une dimension socio-historique brûlante, qui touche à l’intégration problématique des enfants de l’immigration dans notre société, y compris du point de vue de leur propre communauté.
LE PRIX DU SUCCES de Teddy Lussi-Modeste
Durée : 01:52
Film français de Teddy Lussi-Modeste. Avec Tahar Rahim, Roschdy Zem, Maïwenn (1 h 31). Sur le Web : www.facebook.com/Advitamdistribution et medias.advitamdistribution.com