Les Galeries Lafayette ont annoncé, jeudi 31 août, une prise de participation majoritaire de 51 % dans La Redoute. / CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS

Belle récompense pour La Redoute, l’ancien fleuron français de la vente par correspondance, moribond il y a encore trois ans. Les Galeries Lafayette ont annoncé, jeudi 31 août, une prise de participation majoritaire de 51 % dans le site de commerce en ligne, « avec l’objectif d’en réaliser l’acquisition à 100 % à terme » et de créer ainsi « le premier acteur français de l’habillement en valeur », ont indiqué les deux entreprises dans un communiqué.

Le nouvel ensemble, qui totalise aujourd’hui un chiffre d’affaires de 4,5 milliards d’euros, vise 5,5 milliards en 2020. Le prix de la transaction – réalisée au travers de Motier, la holding du groupe Galeries Lafayette – pour le spécialiste du commerce en ligne qui réalise 750 millions d’euros de chiffre d’affaires et compte 9 millions de visiteurs uniques par mois n’a pas été dévoilé. Nathalie Balla et Eric Courteille, coprésidents, continueront à diriger La Redoute avec l’équipe en place.

La chaîne de grands magasins signe là sa première grande acquisition depuis la fin des années 1990. Ces deux dernières décennies, à part un investissement dans le groupe de distribution alimentaire Carrefour dont elle est aujourd’hui le premier actionnaire avec 11,5 % du capital et 15,5 % des droits de vote, l’heure était plutôt aux cessions : vente de ses 50 % dans Monoprix en 2013, puis celle de ses 50 % dans la société de crédit Laser Cofinoga en 2014.

Complémentarité

Cette opération intervient au moment où les alliances entre les distributeurs et les acteurs de l’Internet se multiplient, notamment aux Etats-Unis : Walmart vient d’officialiser un partenariat d’envergure avec Google grâce auquel il commercialisera des centaines de milliers de produits sur la plate-forme de livraison à domicile Google Express. Amazon, de son côté, a finalisé le rachat de la chaîne de supermarché bio Whole Foods Market.

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Concrètement, ce rapprochement permettra aux Galeries Lafayette de passer à la vitesse supérieure dans l’imbrication du commerce physique et numérique. En 2016 déjà, le groupe avait racheté des petites entreprises numériques comme InstantLuxe (vente de produits de luxe d’occasion) ou BazarChic (vente événementielle de produits de grandes marques pour un chiffre d’affaires annuel de 80 millions d’euros).

L’activité de commerce en ligne des Galeries Lafayette, qui existe depuis une dizaine d’années sur son propre site Internet, est une priorité du nouveau management. A son arrivée aux commandes en 2013, Nicolas Houzé, directeur général des Galeries Lafayette et du BHV MARAIS, s’était fixé l’objectif de passer de 2 % à 10 % la part du chiffre d’affaires réalisée sur le Web à l’horizon 2020.

Les deux acteurs sont en outre complémentaires, en matière d’offre de produits, de positionnement, de logistique, de données clients. Aux Galeries, la mode haut de gamme et pointue ; à La Redoute, le prêt-à-porter grand public et le secteur de la maison. Ce rachat permettra aussi d’accélérer le développement à l’international. Les Galeries ont déjà 7 magasins hors de l’Hexagone et de nombreux projets d’ouvertures, tandis que l’ancien vépéciste réalise 30 % de son activité à l’étranger.

Depuis plusieurs années déjà, les dirigeants des Galeries Lafayette observaient avec beaucoup d’intérêt la transformation de La Redoute, passée d’une entreprise dépassée par les évolutions de consommation en start-up à succès. Début 2017, Nicolas Houzé et Philippe Houzé, président du directoire du groupe Galeries Lafayette, rencontrent de manière informelle Nathalie Balla et Eric Courteille. Cette conversation donnera le point de départ à ce projet de rapprochement.

Développement international

Une discussion qu’ils auraient été loin d’imaginer il y a encore trois ans. Car l’enseigne revient de loin. En 2014, lorsque le groupe Kering (ex-PPR), propriétaire depuis 1994, décide de sa mise en vente, La Redoute est ringardisée par la profusion des sites de commerce en ligne. Son éventail de produits allant de la mode au gros électroménager en passant par les piscines extérieures, le tout figé sur deux gros catalogues papier par an, ne correspond plus aux besoins des consommateurs. Elle emploie près de 3 000 personnes, mais perd 50 millions d’euros par an et son chiffre d’affaires ne cesse de baisser.

Les deux anciens cadres dirigeants – autrefois PDG de La Redoute et secrétaire général de sa maison mère, Redcats – reprennent alors l’affaire le 2 juin 2014, sans être sûr de mener le projet à son terme. Les salariés sont embarqués dans l’aventure avec 49 % du capital (29 % des parts détenues par des cadres dirigeants et 20 % par l’ensemble des collaborateurs).

Rapidement, les deux entrepreneurs décident d’abandonner une grande partie du catalogue pour concentrer l’offre sur quatre catégories de produits : l’enfant, la femme, le meuble et le linge de maison. Vient ensuite l’arrêt du catalogue, fin 2015, pour passer au marketing numérique personnalisé.

En parallèle la chaîne logistique est repensée pour aboutir à la construction d’un nouveau site de distribution « Quai 30 », ouvert fin 2016, toujours à Wattrelos (Nord) : 42 000 mètres carrés, là où le site historique de préparation de commande de La Martinoire en occupait 160 000. Désormais, 300 000 références, soit deux fois plus qu’avant, peuvent y être entreposées.

En 2017 et au prix de ce repositionnement complet de l’entreprise, La Redoute atteindra l’équilibre. Elle vise même le milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2021, grâce à un développement international et l’ouverture dans les quatre prochaines années d’une trentaine de magasins sur les produits d’équipement de la maison. Les 600 points de retrait et 14 magasins des années fastes avaient tous été fermés avant 2009. L’entreprise, qui emploie aujourd’hui 1 700 salariés, a réouvert, depuis 2015, trois magasins à Paris et possède trois emplacements dans les grands magasins… aux Galeries Lafayette.