« Un bébé, c’est de l’irrationnel »
« Un bébé, c’est de l’irrationnel »
Propos recueillis par Clara Georges
Alix Franceschi-Léger, psychologue dans le groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon, à Paris, aide les femmes en processus de procréation assistée à se réconcilier avec leur corps. Entretien.
« Les couples que je reçois sont souvent dans la comptabilité. Ils téléchargent des applis qui calculent les dates, les cycles, la température : c’est un très bon commerce, mais je déconseille formellement ce type de contrôle de son corps. Cela dit, il est bien difficile d’échapper aux comptes puisque le processus médical lui-même fonctionne ainsi : âge, dates fixées pour les rapports, nombre d’embryons, mesure de l’endomètre, nombre de semaines ou de mois entre les rendez-vous…
Un bébé, c’est de l’irrationnel, cela implique d’avoir confiance en son corps. Et là, au moment où on s’en remet à lui pour faire un enfant, cela ne marche pas. L’alliance est rompue avec notre corps. Il devient la bête à discipliner, l’ennemi intérieur, l’objet à soumettre à la médecine. En même temps, les femmes expriment le sentiment contraire : je ne veux pas être un cobaye.
Quand elles ont été mises en position gynécologique plusieurs fois par semaine pendant des mois, elles décrivent qu’elles sont hors de leur corps, parce que le contraire serait insupportable. La consultation psychologique peut permettre de construire le chemin de la réconciliation entre le corps, le cœur et l’esprit, à l’aide des mots qui disent l’intime difficulté à vivre l’épreuve de réalité qu’est l’AMP (aide médicale à la procréation) quand elle dure trop longtemps. »