Rendez-vous à l’hôtel, de jour comme de nuit
Rendez-vous à l’hôtel, de jour comme de nuit
M le magazine du Monde
La location de chambre en journée n’est plus réservée aux rencontres amoureuses clandestines. Réunions professionnelles, moments de détente… Pour contrer Airbnb, l’hôtellerie élargit son offre.
L’Hôtel Bachaumont, à Paris 2e, a ouvert un créneau de réservations de chambres durant la journée. / Hôtel Bachaumont
Aujourd’hui encore, on associe la location de chambres d’hôtel à la journée au fameux
« 5 à 7 », cette parenthèse amoureuse ouverte par des couples soucieux d’anonymat. Pourtant, l’offre est développée par de plus en plus d’établissements, toutes gammes confondues (l’Hôtel Bachaumont, le Grand Pigalle Hôtel, à Paris), et cible une clientèle plus large.
Le 24 août, le groupe britannique Ennismore a inauguré son troisième hôtel The Hoxton à l’étranger, rue du Sentier, à Paris. Aménagé par les architectes d’intérieur Humbert & Poyet dans un hôtel particulier du XVIIIe siècle, l’établissement propose 171 chambres disponibles à la nuit ou à la demi-journée. « La même offre existe dans nos hôtels au Royaume-Uni, à Amsterdam et aux Etats-Unis, explique son fondateur, Sharan Pasricha. Louées pour une courte durée, les chambres peuvent être utilisées comme des bureaux par des free-lances ou de jeunes entrepreneurs recherchant un espace calme pour travailler. »
Des espaces de vie
Couples illégitimes (ou non), voyageurs en transit, professionnels en quête d’un lieu
où organiser un rendez-vous (séances de promotion pour les artistes, présentations de produits)… Les chambres d’hôtel sont devenues des espaces de vie au sein desquels on se repose, on travaille, on rencontre un associé ou un ami.
« Lorsque nous avons commencé, 60 % de nos clients en France étaient des couples. Au fur et à mesure du développement de notre aventure, nous avons découvert de nouveaux usages », confirme David Lebée. En 2010, cet entrepreneur, passé par les groupes Accor, Starwood et Costes (il a notamment dirigé l’Hôtel Amour, à Paris), a fondé Dayuse.com, une plate-forme de réservation de chambres « en journée ».
Sept ans plus tard, le site travaille avec près de 4 000 hôtels de trois à cinq étoiles dans vingt pays du monde. En 2016, le chiffre d’affaires de Dayuse.com s’est élevé à 20 millions d’euros. Une des clés du succès ? Les tarifs proposés. A l’Hôtel Ibis de la gare de Marseille, un client peut louer une chambre de 10 à 16 heures pour 59 euros. Au Hyatt Paris Madeleine, le même créneau lui coûtera 140 euros (contre 430 euros pour une nuit). Pour 500 euros enfin, il pourra même s’offrir une petite folie : louer, pendant une journée, une suite avec piscine privée au 1K Paris, dans le 3e arrondissement, aux portes du Marais.
« Nous ne surfons pas sur l’idée d’infidélité, insiste David Lebée. Nous avons fait le choix délibéré de ne pas avoir d’axe de communication. Nous proposons un service global au grand public, chaque utilisateur va y trouver son intérêt. » Sur Dayuse pourtant, aucune empreinte bancaire n’est exigée au moment de la réservation en ligne ; le client règle sur place, avec le moyen de paiement de son choix. Un appel du pied aux amants soucieux de ne pas laisser de traces ?
Le business de l’adultère
En France, 55 % des hommes avouent avoir été infidèles au moins une fois. Selon une étude publiée début 2017 par l’IFOP, 33 % des femmes interrogées reconnaissent avoir trompé leur partenaire (contre 24 % quinze ans plus tôt). Gleeden, le site de relations extraconjugales lancé en 2009, totalise quant à lui 870 000 membres en France… L’adultère est un business, et la location des chambres d’hôtel à la journée en bénéficie forcément.
La suite avec piscine du 1K Paris, dans le 3e arrondissement, est facturée 500 euros la journée. / Le 1K
Sur le même principe, le site SoRoom.fr propose des locations de quelques heures dans 500 établissements en Europe, depuis le Normandy Hôtel à Paris jusqu’au Domaine de Châteauvieux, sur les hauteurs de Genève. Une façon de se relancer pour le secteur, mis en difficulté par la concurrence d’Airbnb. « En basse saison, explique le fondateur de SoRoom Thibault Seillier, la location en journée permet aux hôteliers de remplir l’après-midi. Pendant la haute saison, ils peuvent, s’ils sont bien organisés, louer leurs chambres deux fois en vingt-quatre heures… Cette nouvelle pratique est un premier pas vers une façon totalement différente de réserver une chambre d’hôtel. » Dans dix ans, un client arrivé à l’hôtel à 18 heures pourrait payer moins cher que s’il était arrivé à 15 heures.