Peter Mann, le 6 novembre 2015 sur le circuit de Mugello (italie). / FERRARI.COM

Que serait Ferrari sans ses « tifosi » ? Un constructeur comme les autres, banalisé. Dans le sport automobile, un « tifoso » est forcément supporteur de Ferrari. « Ferrari, en Italie, c’est une religion », rappelle le pilote français Jean Alesi.

Sans distinction d’âge ou de milieu social, ses disciples constituent une famille mondiale. Et pour porter la bonne parole, 30 clubs nationaux officiels, soit 13 000 membres, sont implantés sur cinq continents. Ferrari sait ce qu’elle leur doit, en termes d’image et de ventes. Aussi a-t-elle organisé tout au long de l’année des 70 ans de la Scuderia, une célébration festive itinérante, dans 20 d’entre eux. Cette « Cavalcade » faisait escale au Castellet (Var) du 21 au 23 juillet, sur le circuit Paul-Ricard.

En vedette, le dernier modèle anniversaire, LaFerrari Alperta, de Peter Mann, président honoraire du Club Ferrari France depuis 2010, mais aussi petit-fils d’un certain Pierre Louis-Dreyfus (1908-2011), militaire, armateur, banquier français… et pilote Ferrari. « Je suis comme Obélix, s’amuse Peter Mann, 61 ans. Ferrari, je suis tombé dedans quand j’étais petit ».

« Je n’aime pas les voitures : j’aime les Ferrari »

Durant l’entre-deux-guerres, Pierre Louis-Dreyfus avait déjà piloté sous le pseudonyme « Heldé », comme les initiales de son patronyme. En 1949, lors de la reprise des 24 Heures du Mans, ce compagnon de la Libération est l’un des quatre pilotes à prendre le départ au volant d’une Ferrari. Avec son équipier, Jean Lucas, il abandonne, mais la Ferrari du duo Luigi Chinetti-Lord Selsdon l’emporte. C’est la première grande victoire de la jeune écurie.

La légende familiale veut que le petit Peter ne parvenait à se calmer qu’allongé dans la Ferrari de papa, calé entre deux coussins. Adolescent, il côtoie les proches du Commendatore Enzo Ferrari, dont Luigi Chinetti (1909-1994), industriel italien triple champion des 24 Heures. A 15 ans, Peter Mann, qui habite Londres, sa ville natale, n’y tient plus et part pour Maranello en stop : « Maranello, c’était la Mecque ! »

« Je suis un vrai mordu. Je ne pouvais pas imaginer monter dans une voiture qui ne soit pas une Ferrari. Je n’aime pas les voitures : j’aime les Ferrari », dit-il. Seul écart, une Fiat 500.

« Pas uniquement des gens fortunés »

Peter Mann a tout du businessman de Starmania, qui aurait voulu être… « J’ai toujours rêvé d’être pilote. Résultat : j’ai fait ma première course à haut niveau à 56 ans. » Ce sera en endurance. Il participe deux fois aux 24 heures du Mans, pour une meilleure 5e place en GTEM (Grand tourisme amateur), trois fois au Blancpain, le championnat européen GT, et remporte enfin en 2014 les 24 Heures de Spa, 84 ans après son grand-père – chacun dans sa catégorie.

Peter Mann veut surtout retenir son rôle à la tête du club Ferrari France, qui fêtera ses 50 ans en 2018. Troisième plus vieux club au monde, après le club sud-africain et le club anglais, il aurait dû être deuxième. Mais en 1968, quelques « événements » ont retardé l’enregistrement de l’association.

Le club compte « bon an mal an 400 membres actifs, soit beaucoup moins qu’en Angleterre mais avec une très bonne réputation, car reconnu comme regroupant de vrais passionnés, dit-il. Cela n’a jamais été uniquement des gens fortunés, au contraire ! Il y a des gens qui font des économies durant une ou deux décennies pour réaliser leur rêve (acheter une Ferrari, N.D.L.R.), des gens qui viennent de milieux, je ne dirais pas modestes, mais pas riches. Et tout ce monde s’entend très bien, lié par un dénominateur commun, leur passion pour la Ferrari. »

« Si je ne parlais pas italien, comment parlerais-je à ma voiture ? »

Seul le deuxième fils de Peter Mann partage sa passion et rêve de courir les 24 Heures du Mans avec son père. Comme les Andretti. « Il faut qu’il travaille bien à l’école avant, qu’il grandisse et qu’il soit au niveau de le faire. Il n’a que 16 ans. » Et qu’il apprenne l’italien, comme son père : « Les gens me demandent souvent pourquoi je parle italien (peu utilisée dans le monde des affaires, N.D.L.R.). Il fallait bien, sinon comment je ferais pour parler à ma voiture ? »

Outre son emblématique LaFerrari Aperta, dont seulement 499 exemplaires ont été mis en vente en mars au prix conseillé d’1,8 million d’euros, Peter Mann possède beaucoup d’autres modèles estampillés cheval cabré. Mais n’aime pas dire combien. L’homme est également peu disert sur sa profession : « Je travaille dans une société de négoce de matières premières aux Etats-Unis. Je la gère, mais à mon âge, je travaille moins. » Cela lui laisse du temps pour profiter de Lausanne, où il réside, et pour se rendre régulièrement à Maranello. « Je ne suis pas très loin [530 km tout de même]. Je ne vous dis pas combien de temps je mets pour y aller, sinon j’irai en prison. »