Le pianiste Jean-Frédéric Neuburger en 2009 à Nantes. / FRANK PERRY/AFP

Fin de vacances chez soi ou retour obligé au boulot, les premières semaines de septembre revêtent en région parisienne un caractère sédentaire qu’il est bon d’atténuer, le week-end, par une évasion musicale. A l’orée du Bois de Boulogne, jusqu’au 17 septembre, l’Orangerie de Bagatelle accueille des concerts synonymes de dépaysement. Ne serait-ce que par la présence d’une œuvre contemporaine à chaque programme.

Bénéficiaire d’une carte blanche en deux volets (solo à 16 heures, duo à 18 heures), en ouverture, le 2 septembre, du festival « Les Solistes à Bagatelle », Jean-Frédéric Neuburger aurait pu présenter une pièce de son cru puisqu’il est également compositeur. Il ne l’a pas fait mais c’est bien en compositeur qu’il restitue, au piano, la Partita n°2 de Jean-Sébastien Bach, suite de danses dont l’équilibre entre détails minutieux et forme sophistiquée rappelle l’aménagement du parc environnant.

Les savants entrelacs de l’Allemande et de la Sarabande, les arabesques acérées de la Courante, le crépitement ludique des Rondeaux séduisent sous les doigts du maître paysagiste Neuburger comme les étapes d’un parcours voué à la toute-puissance de l’écriture. Semblable à sa posture –buste droit, tête inclinée-, le jeu du musicien est édifiant. Son regard plonge au-delà des yeux (fermés) et donc du clavier (simple sas sonore) pour nous révéler le sens profond des lignes tracées par Bach. « Evacué » dans la Partita baroque, le piano revient en force avec les deux Etudes récentes de Philippe Manoury que Jean-Frédéric Neuburger interprète avec un brio à couper le souffle. La première, Spins, dans une dimension très spatiale. La seconde, Hommage à Richter, dans un registre coloriste. Phénoménal comme un Liszt d’aujourd’hui, Neuburger (30 ans) parvient à transcender la technique pour ne servir que la musique.

Neuburger remporte la mise, haut la main

La dernière partie du récital est consacrée à Ravel (abordé sans partition, comme Bach). D’abord, avec les Valses nobles et sentimentales dans lesquelles l’interprète se montre de plus en plus libre, la mise en route de la dernière relevant presque de l’improvisation. Ensuite, avec La Valse, dont la gradation dynamique est aussi périlleuse que celle du Boléro mais dans l’esprit, terrifiant, d’un jeu de massacre ! Irrésistible dans la gestion de l’attente, Neuburger remporte la mise, haut la main. Les bravos fusent. Un bis leur répond : le 6e Nocturne de Gabriel Fauré, sublime de justesse.

Le public aura à peine le temps de se remettre de ses émotions en déambulant dans le jardin botanique avant de retrouver Jean-Frédéric Neuburger pour une séance de musique de chambre en compagnie du jeune clarinettiste (23 ans) Raphaël Sévère. Le premier numéro, le Grand duo concertant de Carl Maria von Weber, apparente le piano à une scène sur laquelle l’instrument à vent vient tour à tour briller et émouvoir. L’illusion est parfaite. Suit la Rhapsodie de Claude Debussy dans laquelle le jeu du clarinettiste, raffiné à l’extrême, illustre davantage son prénom (aux références picturales) que son nom (contredit par une large palette de douceur). Alban Berg (4 Pièces), Jörg Widmann (5 Bruchstücke) et Francis Poulenc (Sonate) ancrent ensuite le programme dans un XXe siècle accessible à tous. Données en bis, les 6 Danses populaires roumaines de Béla Bartok invitent à parler de générosité. Le maître mot de cette carte blanche et assurément de ce festival.

« Les Solistes à Bagatelle », jusqu’au 17 septembre. Tél. : 01-45-88-53-96. ars-mobilis.fr