Marcel Campion, le « roi des forains », appelle à « bloquer » le pays le 12 septembre contre la réforme du code du travail
Marcel Campion, le « roi des forains », appelle à « bloquer » le pays le 12 septembre contre la réforme du code du travail
Par Abel Mestre
Dans un texte aux accents situationnistes, le forain âgé de 77 ans veut défiler « avec les syndicats, les “insoumis”, les bonnets rouges, les black blocs, les agriculteurs faillis et les anarchistes ».
C’est un texte surprenant à plus d’un titre. Dans un long appel publié sur le site Lundi matin (proche du Comité invisible, collectif auteur de L’insurrection qui vient), le célèbre entrepreneur forain Marcel Campion appelle « à bloquer Paris, Lyon, Marseille et Le Havre », le 12 septembre, lors de la journée d’action syndicale contre les ordonnances réformant le code du travail.
« Nous viendrons tel que nous sommes et avec ce que nous avons – nos grandes gueules et nos semi-remorques, nos cœurs en bandoulière et nos poings fermés, écrit notamment M. Campion. Nous viendrons bien vivants pour défier les bien-pensants aux côtés des travailleurs. »
« J’apporte ma voix et mes poings à la guerre sociale qui se prépare », poursuit-il. Il prévient : « Le temps est venu de défendre nos culs. Nous le ferons en première ligne de toutes manifestations de colère sociale : avec les syndicats et les “insoumis”, les bonnets rouges et les blacks blocs, les agriculteurs faillis et les anarchistes. »
Statut « d’indésirable »
Au-delà du mouvement contre la réforme du droit du travail, le « roi des forains » entend surtout protester contre la décision du Conseil de Paris du 3 juillet d’arrêter le marché de Noël – dont il avait la gestion – sur les Champs-Elysées. Gérant la société exploitant la Grande roue de la place de la Concorde, à Paris, M. Campion a également été mis en examen pour abus de biens sociaux à hauteur de 75 000 euros et recel de favoritisme, le 31 mai, dans l’enquête qui porte notamment sur la convention passée avec la Mairie de Paris en 2015 pour l’installation du manège.
Tout au long de son texte, où il revient sur son enfance pauvre et son statut « d’indésirable », il adresse ainsi des propos acerbes à Anne Hidalgo – qu’il ne nomme pas mais désigne comme « maire de Paris », « fille de Républicains espagnols ». « Le Conseil de Paris a adopté un vœu renvoyant mes chalets en banlieue dont ils ont la laideur et qu’ils n’auraient jamais dû quitter », persifle-t-il.
Accents situationnistes
Au-delà de ces revendications, ce sont certaines tournures de phrases qui interrogent le lecteur averti. Les accents situationnistes – qui cadrent bien avec la prose habituelle de lundi matin – sont mis en avant. « Aujourd’hui la fatalité a le visage des grands groupes et des hauts fonctionnaires qui s’entendent pour étendre le domaine du spectacle » ; « Et voici que les grands capitaux s’intéressent à nos joies populaires, non pour leur permettre de grandir et de devenir potlatch – mais pour nous les confisquer avant de nous les revendre à prix fort. »
Marcel Campion est-il devenu un thuriféraire de Guy Debord ? « J’ai envoyé ce texte à plusieurs dizaines de sites, ils l’ont repris, c’est tout. Je lis beaucoup, y compris Guy Debord », assure l’auteur. Seul le liseré bleu, blanc, rouge encadrant cet appel à la révolte, ne cadre pas avec le côté « situ » du texte.
Autant de propos étonnants, en tout cas, pour quelqu’un qui n’a jamais rechigné s’afficher aux côtés de Marine Le Pen et de cadres frontistes. Un procès d’intention selon lui. « Je veux communiquer avec tout le monde. Pour les marchés de Noël, j’invitais tous les politiques. Il n’y avait que Marine Le Pen qui venait », se justifie-t-il. Et ses fêtes de Saint-Tropez où l’on a aperçu des dirigeants FN ? « Cela fait trente-trois ans que j’organise des soirées où j’invite tous les élus locaux. Cette fois, le maire de Cogolin, Marc-Etienne Lansade, m’a demandé trois invitations de plus », continue le forain.
Marcel Campion, qui ne cache pas son entregent, ne compte pas s’arrêter à la journée de mobilisation du 12 septembre pour faire entendre sa voix. « J’ai déjeuné avec Charles Aznavour, raconte-t-il. Il va parler de nos problèmes au président de la République. » L’insurrection qui vient sera aussi people.