La suppression du programme de protection des jeunes migrants clandestins aux Etats-Unis est une « mauvaise décision », selon Barack Obama
La suppression du programme de protection des jeunes migrants clandestins aux Etats-Unis est une « mauvaise décision », selon Barack Obama
Le Monde.fr avec AFP
L’ancien président a joint sa voix à celle des entreprises et du Mexique pour dénoncer la décision de l’administration Trump
L’ancien président américain Barack Obama a dénoncé une décision « cruelle » prise « en dépit du bon sens ». / Jacquelyn Martin / AP
Le président américain, Donald Trump, a décidé, mardi 5 septembre, de mettre fin au programme mis en place en 2012 par Barack Obama mettant des centaines de milliers de jeunes sans-papiers à l’abri d’une expulsion et leur permettant d’étudier et de travailler aux Etats-Unis.
Ce programme, appelé DACA (Deferred Action for Childhood Arrivals), empêchait l’expulsion de près de huit cent mille personnes arrivées enfants illégalement sur le territoire américain, surnommées les « Dreamers » (« rêveurs »). Jeff Sessions, l’Attorney General (ministre de la justice) américain a déclaré : « Nous ne pouvons pas accepter tous ceux qui aimeraient venir ici, c’est aussi simple que cela. »
Une décision « cruelle » pour Barack Obama
L’ancien président Barack Obama, qui était jusqu’ici resté très discret depuis son départ de la Maison Blanche, le 20 janvier, a dénoncé cette décision.
« Il s’agit de jeunes gens qui ont grandi en Amérique, d’enfants qui étudient dans nos écoles, de jeunes adultes qui débutent dans leur vie professionnelle, de patriotes qui s’engagent à respecter notre drapeau.
« S’en prendre à ces jeunes est une mauvaise décision, car ils n’ont rien fait de mal. C’est contre-productif, parce qu’ils veulent créer des entreprises, travailler dans nos laboratoires, s’engager dans notre armée et plus largement s’impliquer dans ce pays que nous aimons.
« C’est aussi cruel. Et si le professeur de sciences de nos enfants, ou notre voisin était un “Dreamer” ? Où devrions-nous l’envoyer ? Dans un pays qu’il ne connaît pas ou dont il ne se souvient même plus, avec une langue qu’il ne parle peut-être même pas ? In fine, c’est une question de décence élémentaire.
« Il s’agit de savoir si nous sommes des gens qui expulsons de jeunes travailleurs plein d’espoirs hors de l’Amérique ou si nous les traitons de la manière dont nous aimerions que nos enfants soient traités. Il s’agit de savoir qui nous sommes et qui nous souhaitons être. »
Mark Zuckerberg : « c’est un jour triste pour notre pays »
Plusieurs entreprises américaines, en particulier de la Silicon Valley, se sont insurgées contre cette décision.
Pour le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, « c’est un jour triste pour notre pays ». Cette décision n’est pas « seulement mauvaise », elle est « cruelle », dit-il aussi sur le réseau social, pressant lui aussi le Congrès « d’agir ».
« Je suis profondément consterné à l’idée que huit cent mille Américains, y compris plus de deux cent cinquante collègues d’Apple, puissent bientôt se retrouver rejetés du seul pays qu’ils aient jamais considéré comme le leur », a écrit Tim Cook, le PDG d’Apple, dans un mail aux salariés.
« Nous sommes déçus (...) et nous demandons instamment au Congrès d’agir rapidement pour trouver une solution législative pérenne », a réagi un porte-parole de Google.
Microsoft, qui dit employer trente-neuf Dreamers, se dit aussi « déçu » par cette décision, que le groupe considère comme « un gros recul pour le pays tout entier ». « Légiférer sur le DACA est à la fois un impératif économique et une nécessité humanitaire », dit encore le groupe dans un billet publié sur son blog officiel.
« Nous devons permettre (aux Dreamers) de rester aux Etats-Unis », affirme le PDG de la banque JPMorgan Chase, Jamie Dimon. / Don Ryan / AP
Le secteur technologique n’est pas le seul à réagir. Dans un communiqué, le lobby patronal Business Roundtable dit être « fermement opposé à la fin du DACA sans solution viable de remplacement ». Ne pas légiférer « aurait un impact négatif très important sur les entreprises qui comptent sur des employés (...) qui travaillent légalement », poursuit Joshua Bolten, à la tête de Roundtable.
« Nous devons permettre (aux Dreamers) de rester aux Etats-Unis », abonde le PDG de la banque JPMorgan Chase, Jamie Dimon, un autre responsable de Roundtable.
Les autorités mexicaines « ont un impératif moral d’agir »
« Notre pays ne peut ignorer le fait que des milliers de jeunes nés au Mexique seront probablement affectés par la décision d’aujourd’hui », a réagi le gouvernement mexicain. « Le gouvernement mexicain maintiendra un dialogue permanent avec le pouvoir législatif (américain) » poursuivent les autorités, qui précisent avoir envoyé des courriers aux sénateurs et membres du Congrès pour souligner « la valeur » de ces jeunes pour la société américaine.
Les autorités mexicaines « ont un impératif moral d’agir » et elles « redoubleront leurs efforts pour garantir la protection consulaire la plus large qui soit aux jeunes affectés par cette mesure ». « On ne peut pas ignorer que beaucoup, quasi 80 % des jeunes inscrits au programme DACA sont d’origine mexicaine » a commenté le vice-ministre des affaires étrangères, Carlos Sada, en conférence de presse.
Sur les douze millions de sans-papiers vivants aux Etats-Unis, on estime que la moitié sont Mexicains et qu’environ six cent vingt-cinq mille d’entre eux sont des Dreamers, des enfants arrivés illégalement aux Etats-Unis avec leurs parents.