Avant une manifestation à New York, mardi 5 septembre. / Drew Angerer / AFP

Le monde de Carlos Esteban Arellana a vacillé, mardi 5 septembre. En fin de matinée, le ministre de la justice, Jeff Sessions, a sonné la fin du programme créé par un décret de Barack Obama, en 2012, qui permettait à des sans-papiers entrés aux Etats-Unis alors qu’ils étaient mineurs de bénéficier d’un permis de séjour temporaire leur permettant d’étudier et de travailler, à condition notamment d’avoir un casier judiciaire vierge. Il s’agissait d’une promesse de campagne de Donald Trump que ce dernier, qui avait affiché sa volonté de faire preuve de « cœur » dans ce dossier, s’est bien gardé d’annoncer lui-même.

A 31 ans, Carlos Esteban a déjà passé plus de temps aux Etats-Unis qu’au Mexique, son pays d’origine, qu’il a quitté à l’âge de 15 ans. « J’ai tout ici, ma vie, ma famille, mes amis. C’est ma maison », proteste le jeune homme, venu avec des militants pro-immigration manifester devant la Maison Blanche. « J’ai fait tout ce que je devais faire, j’ai étudié, je travaille, et il faudrait maintenant tout mettre à la poubelle ? », s’indigne-t-il. « Ces jeunes », aussi connus sous le nom de « Dreamers », « se sont engagés pour ce pays, et maintenant, Trump veut les jeter dehors », peste une élue démocrate de la Chambre du Maryland, Joseline Pena-Melnyk.

Infirmier dans ce même Etat, alors que la majorité des 800 000 bénéficiaires du programme DACA (Deferred Action for Childhood Arrivals), se concentrent en Californie et au Texas, Carlos Esteban Arellana a déjà renouvelé son statut à trois reprises. Il n’a plus désormais comme perspective que le retour à la clandestinité et la crainte de l’expulsion, d’autant que les autorités américaines savent, du fait de ses démarches, où il réside et pour qui il travaille. Le jeune homme n’a désormais plus qu’un seul espoir : que le Congrès ne parvienne pas à s’entendre.

Désaccord chez les républicains

Jeff Sessions, qui a défendu les positions les plus radicales sur l’immigration lorsqu’il était sénateur de l’Alabama, a en effet donné six mois au Sénat et à la Chambre des représentants pour octroyer un véritable statut aux « Dreamers ». Alors que des centaines de patrons d’entreprise ont mis en garde contre le coût pour l’économie que pourrait représenter une remise en cause de ce statut, de nombreux élus républicains ont exprimé leur désir de légiférer, dont le « speaker » (président) de la Chambre des représentants, Paul Ryan, ou les sénateurs de l’Arizona et de Caroline du Sud, Jeff Flake et Lindsey Graham.

Ce dernier a présenté en juillet avec le sénateur démocrate Richard Durbin (Illinois) une proposition de loi visant à donner aux « Dreamers » un statut permanent. Un de ses collègues républicains, James Lankford (Oklahoma), a résumé le principe moral mis en avant par l’aile modérée républicaine : « En tant qu’Américains, nous ne tenons pas les enfants légalement responsables des actes de leurs parents. » Le président, qui assurait encore « aimer » les « Dreamers » vendredi, avait indiqué en février, au cours d’une conférence de presse, qu’il s’agissait pour lui de « l’un des sujets les plus difficiles qui soient ».

Un bon nombre d’élus conservateurs restent cependant sourds à une avancée dans ce domaine, même si une forte majorité (60 %) d’électeurs républicains interrogés par le Pew Research Center étaient favorables en novembre à la prolongation du programme. M. Trump a d’ailleurs été contraint de trancher sur la question des « Dreamers » du fait de la procédure en justice engagée par une dizaine d’Etat contrôlés par le Grand Old Party. Ces Etats, conduits par le Texas, considèrent en effet que le décret de M. Obama à l’origine du programme DACA est « illégal ». M. Sessions, pour sa part, avait indiqué au président qu’il n’entendait pas le défendre. Inflexible, il a assuré mardi que « ce n’est pas faire preuve de compassion que de ne pas appliquer les lois sur l’immigration ».

Légiférer sur le statut des « Dreamers » suppose que le Parti républicain se déjuge sur un point important du dossier de l’immigration. Il ne cesse en effet d’exclure toute forme de régularisation pour les millions de sans-papiers, présents parfois depuis des décennies aux Etats-Unis.