Timo Werner et le RB Leipzig feront leurs débuts en Ligue des champions ce soir face à l’AS Monaco. / PATRIK STOLLARZ / AFP

Huit ans pour atteindre la Ligue des champions grâce à un puissant sponsor et au nez creux de ses recruteurs : l’ascension du RB Leipzig, adversaire de l’AS Monaco pour ses débuts en Ligue des champions (20 h 45), dit beaucoup du football de 2017. Voilà cinq choses à savoir pour le nouveau rival du grand Bayern Munich, qui pourrait bien être la surprise de cette saison européenne.

  • Premier club de la ville à disputer la Ligue des champions

Fondé en 2009 par la marque Red Bull, le RB Leipzig s’est qualifié pour la prestigieuse compétition européenne au terme de sa première saison en Bundesliga. Un coup de force réalisé de haute lutte, dans le sillage du Bayern Munich et devant un club aussi réputé que le Borussia Dortmund.

Plus encore que la première d’un club à l’histoire naissante, il s’agit du premier match de Ligue des champions de l’histoire de la ville de Leipzig, qui a pourtant connu quelques grands clubs. Le Lokomotiv Leipzig, actuellement en Regionalliga (quatrième division), est passé trois fois à côté du titre national du temps de la RDA, terminant vice-champion en 1967, 1987 et 1988. Ses grandes épopées européennes ont eu lieu en Coupe de l’UEFA (demi-finaliste en 1974) et en Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe (finaliste en 1987).

En 1987, Ronald Kreer, sous les couleurs jaunes du Lokomotiv Leipzig, éliminait le Bordeaux de René Girard (de face) et Patrick Battiston (de dos) en demi-finale de la Coupe des coupes. / RENE JEAN,GEORGES GOBET,VINCENT AMALVY / AFP

Le club, sous son nom originel du VFB Leipzig, avait auparavant remporté par trois fois le titre national, dont le premier championnat d’Allemagne (1903, 1906 et 1913). Pas de chance, la Coupe d’Europe des clubs champions, devenue la Ligue des champions, n’a été créée qu’en 1955…

  • Le club le plus détesté d’Allemagne

La célèbre marque autrichienne Red Bull a racheté, en 2009, la licence de l’équipe première d’un club de la banlieue de Leipzig (le SSV Markranstädt) pour créer le RB Leipzig. Attention : la Fédération allemande de football (DFB) interdisant à un club de porter le nom d’une marque, RB veut dire « RasenBallsport Leipzig » (littéralement « sport de balle sur pelouse ») et non « Red Bull ». Ce qui n’empêche pas le club de susciter la critique en Allemagne, et pas seulement à l’Est.

Dans toutes les divisions qu’il a traversées, le club a rencontré l’hostilité des fans adverses avec des banderoles explicites comme « J’aime la bière, je déteste Red Bull » ou « Pour que le football vive, boycottez Red Bull ». Et cela n’a pas cessé avec l’accession en Bundelisga et les excellents résultats obtenus.

Dernier épisode, le 1er septembre dernier, lorsque l’attaquant du RB Timo Werner, sélectionné en équipe nationale, s’est fait conspuer par certains fans de la Mannschaft lors d’un match à Prague face à la République tchèque. On lui reproche une simulation la saison dernière pour obtenir un penalty mais surtout son appartenance au club de Saxe.

En 2015, à l’occasion d’un reportage à Leipzig du Monde, des ultras du club d’Ingolstadt expliquaient leur rancœur ainsi : « Ce projet aurait pu se faire à Essen ou à Mannheim. D’ailleurs, les couleurs et le logo du club n’ont rien à voir avec Leipzig. »

Un autre argument a souvent été mis en avant par les contempteurs du RB Leizpig, concernant une règle importante du football allemand, la loi dite du « 50 + 1 ». Cette règle oblige les investisseurs à ne pas détenir plus de 49 % des parts du club : le reste doit appartenir à une association à but non lucratif. On reprochait au propriétaire du club de tricher dans la composition de cette association : les membres étaient très peu nombreux et presque tous salariés de Red Bull.

Cela n’a pas empêché Leipzig d’obtenir chaque année sa licence, ce qui conduisait le directeur sportif Ralf Rangnick à déclarer : « Si on ne respectait pas le “50 + 1”, nous n’aurions pas reçu la licence. »

  • Le club aurait pu ne pas être autorisé à participer

Leipzig n’est pas le seul club de football à avoir été racheté par la compagnie autrichienne. Dès 2005, l’Austria Vienne, club mythique autrichien, est devenu le Red Bull Salzbourg. Ultra-dominateur depuis ce rachat, il a remporté huit titres de champion en douze ans. Régulièrement éliminé en tour préliminaire de la Ligue des champions, Salzbourg avait cette saison encore une autre opportunité de rejoindre la phase de groupe.

Or, comme le RB Leipzig était lui déjà qualifié, une qualification des Autrichiens aurait pu contrevenir au règlement de l’UEFA qui prévoit que deux clubs contrôlés par le même actionnaire ne peuvent participer à la même compétition européenne.

Toutefois, la chambre judiciaire de l’Instance de contrôle financier des clubs (ICFC) de l’UEFA s’est prononcée le 20 juin en faveur des deux clubs : « Suite à une enquête poussée, et plusieurs changements importants dans la structure et la gouvernance conduits par les clubs (concernant leurs affaires commerciales, financières, personnelles, et les contrats de partenariat), l’ICFC a décrété qu’aucune entité individuelle ou légale n’avait d’influence majeure sur plus d’un des clubs participant aux compétitions de clubs de l’UEFA. »

Le Red Bull Salzbourg a changé son logo en FC Salzbourg et la polémique n’aura pas lieu, les footballeurs autrichiens ayant été sortis par les Croates de Rijeka au troisième tour préliminaire.

  • Son meilleur joueur évoluait en Ligue 2 il y a quatre ans

Le RB Leipzig sera privé face à Monaco de son meilleur joueur, blessé aux adducteurs. Mais l’histoire de Naby Keita vaut tout de même le détour : à 22 ans, il coûte 70 millions d’euros et jouait il y a quatre saisons en Ligue 2, à Istres.

Le milieu de terrain guinéen n’a eu besoin que d’une saison en deuxième division française pour être repéré par les scouts du Red Bull… Salzbourg. A l’époque, un million et demi d’euros suffisent pour se payer ses services.

Naby Keita - All Goals and Assists 2016/17 So Far ...
Durée : 03:44

Après deux excellentes saisons en Autriche – sacré meilleur joueur du club en 2015 – il est envoyé pour environ 15 millions d’euros dans l’autre club estampillé Red Bull à Leipzig, porte-étendard de la marque qui vient de monter en Bundesliga, un marché autrement plus porteur. Il brille avec 8 buts inscrits et 7 passes décisives.

Après cette unique saison dans un grand championnat, Liverpool décide d’acheter le grand espoir pour 70 millions d’euros, ce qui en fait le joueur le plus cher de l’histoire du football africain. Naby Keita ne rejoindra le club anglais que la saison prochaine, en vertu d’un accord prévoyant son prêt cette année au RB Leipzig.

  • Une politique semblable à celle de Monaco

Dans la foulée de Monaco, quelques années après le précurseur FC Porto, le RB Leipzig a adopté une politique de trading de joueurs pour équilibrer ses comptes. Au lieu de miser des sommes importantes que son propriétaire serait en capacité d’injecter, le club allemand a mis au point une politique de recrutement de jeunes joueurs talentueux à fort potentiel de plus-value à la revente.

L’exemple de Naby Keita en est la première grande réussite. Un défenseur français de 18 ans, Dayot Upamecano, recruté en 2015 par Salzbourg et transféré début 2017 à Leipzig, pourrait bien être le deuxième coup de maître de cette stratégie. De grands clubs européens sont déjà sur les rangs pour le recruter.

Dans cette stratégie, l’empire Red Bull est un atout de poids grâce au club frère à Salzbourg et aux académies créés au Brésil et en Afrique. L’an passé, un premier joueur est sorti de Red Bull Brasil, installé à Sao Paulo et qui participe au championnat « paulista ». Latéral droit, le jeune Bernardo est d’abord arrivé en Europe à Salzbourg avant d’être envoyé au bout de six mois concluants à Leipzig. La saison dernière, il a disputé 22 rencontres avec le club allemand.