« Il reste difficile d’acheter un aliment en étant sûr qu’il n’ait pas été traité au glyphosate »
« Il reste difficile d’acheter un aliment en étant sûr qu’il n’ait pas été traité au glyphosate »
Propos recueillis par Romain Geoffroy
François Veillerette, porte-parole de Générations futures, revient sur la présence de l’herbicide dans seize produits de consommation sur trente analysés par l’ONG.
JOËL SAGET / AFP
Des résidus de glyphosate dans des céréales pour petit-déjeuner, des légumineuses et des pâtes. En analysant trente échantillons de produits alimentaires, l’ONG Générations futures a découvert dans seize d’entre eux, « soit 53,3 % », des résidus de la molécule de l’herbicide le plus utilisé au monde, substance classée « cancérogène probable » par une agence de l’Organisation mondiale de la santé.
Au total, sept céréales de petit-déjeuner sur huit analysées (Nestlé, Kellog’s, Jordan…) contenaient du glyphosate et sept légumineuses sur douze en présentaient aussi. Pour les pâtes, la proportion est plus faible : deux marques alimentaires sur sept en montraient des traces.
Alors que le principe actif du Roundup, le désherbant phare de Monsanto, est dans l’attente d’une nouvelle homologation européenne (un vote sur le renouvellement pour dix ans de la licence du glyphosate, qui expire fin 2017, est attendu en octobre), François Veillerette, porte-parole et directeur de Générations futures, revient sur ce rapport.
Qu’est-ce qui vous a poussé à mener cette analyse sur des produits alimentaires achetés au supermarché ?
Dans le contexte du débat sur la réhomologation du glyphosate dans l’Union européenne (UE), notre ONG s’est dit qu’il serait intéressant d’en savoir plus sur la présence de ce produit dans nos assiettes. En faisant des recherches, on s’est aperçu qu’il y avait finalement peu de recherches de glyphosate dans les analyses officielles car il faut mettre en œuvre un test spécifique pour le détecter. Ces analyses sont plus compliquées et ne sont pas cumulables avec la recherche d’autres molécules, elles sont donc plus coûteuses. Malheureusement, les pouvoirs publics ne disposent pas d’assez de moyens pour ce type de recherches.
Les résultats de vos recherches sont-ils surprenants ?
On a très peu de points de repères, car on ne disposait que de chiffres très généraux avant nos analyses. Cependant, trouver plus de 50 % de résidus de pesticides dans les produits analysés lorsque l’on teste une seule molécule ça reste toujours très étonnant. Ça nous montre en tout cas que les résidus de glyphosate sont très forts sur ces produits alimentaires. Malheureusement nous n’avons pu tester qu’une trentaine de produits, donc on ne peut pas en tirer de comparaison complète mais ça permet au moins de se faire une idée de l’importance du débat.
Pour l’heure, existe-t-il un moyen pour le consommateur de savoir si les aliments qu’il achète contiennent des traces de glyphosate ?
Quand le consommateur va acheter des pommes ou du pain au supermarché, on souhaiterait qu’il dispose d’une liste des traitements utilisés sur ces aliments. On plaide pour une information complète afin que le consommateur choisisse par lui-même ce qu’il mange, parce qu’aujourd’hui, comme le montre notre étude, on ne choisit pas.
Malheureusement, il n’existe pas en France, comme c’est le cas dans l’Etat de Californie, d’étiquette sur les emballages précisant si un produit contient du glyphosate. Du point de vue du consommateur, il reste difficile d’acheter un aliment en étant sûr qu’il n’ait pas été traité au glyphosate.
Dans votre rapport, on observe tout de même que la limite maximale en résidus (LMR) pesticides fixée par l’UE sur les aliments bruts n’est jamais dépassée, faut-il donc s’alarmer ?
Tout d’abord, il faut savoir qu’il existe des LMR sur tous les aliments bruts mais pas sur tous les aliments transformés. Par exemple, il n’y a pas de règle pour les céréales de petit-déjeuner que nous avons analysées et sur lesquelles nous avons trouvé des traces de glyphosate.
Ensuite, on considère que la limite, telle qu’elle est fixée actuellement, est nettement trop élevée. Si un produit est cancérogène, fixer une limite ne permettra pas d’en évaluer le risque sur le long terme.
L’Agence européenne chargée des produits chimiques (ECHA) et celle de la sécurité des aliments (EFSA) estime qu’il n’y a pas de raison de classer cette substance comme cancérogène. Pensez-vous malgré tout que la licence du glyphosate pourrait ne pas être renouvelée dans l’UE ?
Nous gardons espoir. La décision de la France de voter contre la proposition de la Commission de renouveler la licence pour dix ans est la bonne. Mais aujourd’hui il faut trouver d’autres pays pour voter contre [une majorité qualifiée, 55 % des Etats membres, représentant 65 % de la population de l’UE, est requise dans ce dossier]. Il ne faut donc pas se contenter de voter contre, mais aussi prendre ses responsabilités pour convaincre d’autres pays de nous suivre.