Sexualité féminine et supermarchés de la drogue : notre sélection de replays
Sexualité féminine et supermarchés de la drogue : notre sélection de replays
Chaque samedi, « La Matinale du Monde » vous propose un choix d’émissions à (re)découvrir en différé.
LES CHOIX DE LA MATINALE
« Cinema Perverso ». / ARTE
Au menu cette semaine, deux documentaires de société qui dévoilent, pour l’un, les questionnements intimes des filles et, pour l’autre, l’imbrication entre économie légale et économie souterraine de la drogue en Seine-Saint-Denis.
« Trucs de meufs » : l’intimité sans vulgarité
FRANCE TELEVISIONS
« Je crois qu’en fait ma sexualité a commencé avec un plan cul. » Parler de sexe sans filtre, sans tabou et sans visage : c’est le pari de Maïwenn Guiziou et de Marie Cécile Lucas avec Trucs de meufs, une web-série de six épisodes disponibles sur la plate-forme IRL (In Real Life) de France Télévisions.
Chaque séquence laisse entendre un groupe de filles discuter de leur intimité, de leurs expériences, plus ou moins mémorables. Les réalisatrices ont fait le choix (audacieux) de privilégier le son à l’image. Sur l’écran, juste des animations et un fil qui épouse les variations de voix et les silences. Des effets graphiques viennent en outre illustrer les anecdotes et les pensées de ces filles sur la sexualité, la vie, l’amour. A l’image d’un petit Pac-Man, qui, grignotant un fil, suggère un cunnilingus.
Des paroles vraies, souvent drôles, jamais culpabilisantes. A l’heure où la parole sexuelle féminine se décomplexe, cette myriade de voix offre un regard authentique sur la vie des jeunes femmes d’aujourd’hui. Leurs questionnements sont souvent loin d’être isolés. Car, ce dont discute ce groupe de filles, c’est ce que beaucoup pensent tout bas. Avoir des plans cul, se masturber, regarder du porno : autant de sujets abordés pour démystifier les clichés du genre, avec humour et spontanéité.
Trucs de meufs, de Maïwenn Guiziou et Marie Cécile Lucas, série web de 6 épisodes, tous les jeudis sur IRL.
« Cinema Perverso » ou les années Kino
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans une Allemagne en ruine, les grandes gares font partie des infrastructures à rebâtir d’urgence et, dans une trentaine d’entre elles, les autorités construisent des salles de cinéma bon marché. L’idée de départ est que, entre deux trains, les passagers puissent tuer le temps dans ces Bali-Kino (« Ba » pour Bahnhof, « la gare », « Li » pour Lichtspiele, « jeux de lumière »), où les projections se déroulent en continu. A la fin des années 1940, ces salles présentent des actualités et des divertissements.
Petit à petit, au fil des décennies, la programmation évolue, l’atmosphère des lieux change. Sur l’écran défilent des séries Z, d’improbables nanars, des films érotiques, des péplums à petit budget, de l’horreur en carton… L’arrivée en masse des cassettes VHS marquera la fin des années Bali-Kino, même si cinq salles subsistent. Riche en témoignages et en images d’archives municipales, ce documentaire plonge dans l’histoire du cinéma populaire allemand et donne une vision originale de la société. Les extraits d’œuvres improbables diffusés valent le détour. Comme certaines bandes annonces, véritables chefs-d’œuvre de mauvais goût et d’humour noir. Alain Constant
Cinema Perverso, d’Oliver Schwehm (All., 2015, 60 min). Sur Arte + 7.
Le « 93 » et son supermarché de la drogue
Voici un « four » qui fait recette. Le « four », dans le jargon des trafiquants de drogue, c’est un « méga-lieu de deal » où se retrouvent vendeurs et acheteurs de stupéfiants. Les huit fours installés à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) génèrent chacun jusqu’à 70 000 euros de chiffre d’affaires par jour. La cité, réputée pour ses puces, est aussi devenue un gigantesque marché à ciel ouvert de la drogue. Pour le magazine « Complément d’enquête », Raphaël Tresanini s’est plongé dans le business de la drogue en Seine-Saint-Denis, dont le chiffre d’affaires s’élèverait à environ un milliard d’euros, soit la moitié des ventes de stupéfiants en France !
Le journaliste décrit d’ailleurs une véritable économie parallèle, avec son « code du travail », son « salaire minimum » (2 000 euros par mois pour les petits vendeurs de rue) et sa hiérarchie. Celle-ci ferait vivre environ 100 000 personnes dans le département et profiterait à l’économie réelle. Ce trafic permet de payer le loyer et d’alimenter les recettes des nombreux centres commerciaux qui ont éclos dans le département. Il favoriserait aussi la création d’entreprises. Il s’agit principalement de commerces ou de restaurants qui servent à blanchir l’argent de la drogue. En permettant à une part importante de la population de vivre, certains se demandent si l’Etat a intérêt à stopper ces trafics. Les forces de l’ordre, quant à elles, semblent en tout cas impuissantes à les faire cesser. Joël Morio
93 : l’indispensable industrie du shit, de Raphaël Tresanini (Fr. 2017, 52 min). Sur Pluzz.