Donald Trump, à son arrivée à Morristown (New Jersey), le 15 septembre. / YURI GRIPAS / REUTERS

Editorial du « Monde ». Donald Trump présente un danger particulier dans les affaires internationales : il ne lit pas ses dossiers. Il ne les connaît pas. Il tranche, il juge sur ses propres intuitions, sur ce que dit son entourage ou encore sur ce critère radical qui guide une bonne partie de son action : défaire tout ce qu’a réalisé Barack Obama. Il en va ainsi de l’accord sur le contrôle du programme nucléaire iranien signé en juillet 2015. Ce n’est pas sérieux.

En 2016, durant sa campagne électorale, M. Trump avait promis de « déchirer » ce document, qualifié, cela va de soi, de « pire accord jamais signé par les Etats-Unis ». M. Trump n’a jamais dit ce qu’il n’aimait pas dans ce texte (qui, il est vrai, dépasse les 140 signes d’un Tweet). Il n’a jamais dénoncé telle ou telle clause, pointé une faille spécifique, bref donné la moindre indication qu’il avait passé cinq minutes à étudier l’accord de Vienne – conclu entre l’Iran, d’un côté, l’Allemagne, la Chine, les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, la Russie, de l’autre.

M. Trump s’est borné à reprendre, en la chargeant de superlatifs, la dénonciation de l’accord par la droite républicaine qui, elle-même, n’avait d’autre motivation que de s’opposer, en tout et sur tout, à M. Obama. Cet accord n’est pas parfait. Mais il impose des limites au projet nucléaire iranien. Il interdit à Téhéran un niveau d’enrichissement de l’uranium qui ouvrirait la route à une militarisation de son programme. Il soumet l’Iran à un régime de surveillance strict de ses installations nucléaires par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). En contrepartie, les sanctions économiques décidées – au niveau de l’ONU ou de façon bilatérale – par les uns et les autres à l’encontre de l’Iran doivent être progressivement levées.

M. Trump peut faire valoir que l’esprit de l’accord aurait dû amener la République islamique à limiter le développement de son arsenal de missiles balistiques ou à modérer sa politique moyen-orientale, ce qu’elle n’a pas fait. Ces réserves sont justifiées. Mais, tel qu’il est, l’accord a été respecté par l’Iran, et l’AIEA l’a certifié à plusieurs reprises.

Politique qualifiée d’irresponsable

M. Trump n’en paraît pas moins décidé à le torpiller. Si son administration a dû jouer le jeu d’une levée partielle des sanctions – renouvelée la semaine dernière –, ce n’est que « temporaire », dit-on à Washington. Le président veut imposer une renégociation drastique du document et forcer l’Iran à porter la responsabilité d’un échec éventuel, lequel autoriserait les Etats-Unis à soumettre à nouveau la République islamique à un embargo économique serré. C’est moins le nucléaire qui intéresse M. Trump dans cette affaire que de contrer l’émergence de l’Iran en tant que superpuissance au Moyen-Orient.

Tous les partenaires des Etats-Unis dans l’accord de Vienne s’opposent à la politique de M. Trump, qu’ils qualifient, à juste titre, d’irresponsable. Si l’Iran sort de l’accord de Vienne, il sera libre de militariser son programme nucléaire. Le régime de non-prolifération sera un peu plus ébranlé. La communauté internationale pourrait se retrouver avec une sorte de deuxième Corée du Nord sur les bras.

M. Trump a demandé à ses collaborateurs de lui fournir des arguments contre l’accord de Vienne. Cela rappelle de mauvais souvenirs, quand, en 2003, le président George W. Bush « sollicitait » de son administration des informations contre l’Irak – quitte à en inventer. On sait où mène ce genre d’aventure.