A Mexico, le 24 août 2017, un hommage est rendu à Candido Rios Vazquez, un journaliste de l’Etat de Veracruz abattu deux jours plus tôt. / HENRY ROMERO / REUTERS

Après la Syrie et l’Afghanistan, le Mexique est le troisième pays le plus dangereux pour les reporters : depuis le début de l’année, sept journalistes ont été tués, parmi lesquels Javier Valdez, dans l’Etat de Sinaloa (nord), en mai. Tout comme ce dernier, Sergio Ocampo Arista est le correspondant du quotidien de gauche La Jornada et pigiste de l’Agence France-Presse, mais dans l’Etat de Guerrero (sud).

« Guerrero est un laboratoire par sa concentration de pauvreté et de richesses minières, dont un immense gisement d’or, explique le journaliste de passage à Paris, invité par l’association de solidarité France-Amérique latine. Connu pour sa conflictualité sociale et pour ses foyers de guérilla récurrents, cet Etat est maintenant ravagé par les narcos. La fragmentation des grands cartels de la drogue a débouché sur une trentaine de bandes criminelles, plus jeunes, plus violentes, qui se disputent le marché et les routes. »

Polices municipales inflitrées ou corrompues

Un tiers des municipalités de la région vivent de la culture du pavot et de la marijuana. Les règlements de compte entre organisations criminelles ont fait plus de 1 500 morts à Guerrero depuis le début de l’année. La plupart sont des jeunes âgés de 12 à 25 ans, d’origine rurale. Faute de débouchés, beaucoup deviennent des « sicarios », des hommes de main des gangs. Chilpancingo, la capitale de l’Etat, n’est pas épargnée par les violences, pas plus qu’Acapulco, la plus célèbre station balnéaire de la côte Pacifique.

La pression des narcotrafiquants incite les médias de la région à l’autocensure, pour éviter les représailles. La plupart des homicides de journalistes sont attribués aux gangs. Les organisations criminelles ont infiltré ou corrompu les polices municipales et les autorités locales chargées de la sécurité. L’impunité est ainsi assurée pour leurs crimes et leurs trafics.

« Lors d’un déplacement avec un groupe de sept journalistes, dont un confrère étranger, nous sommes tombés sur un barrage d’une centaine de sicarios lourdement armés, raconte Sergio Ocampo. Je pense que nous avons échappé au pire à cause de la présence de ce reporter de la presse internationale. Mais sur la même route, aussi bien avant qu’après, à quelques kilomètres à peine des sicarios, nous sommes passés par des contrôles des forces de sécurité. Nous sommes ainsi ballottés entre les uns et les autres. »

« Faut-il négocier avec les chefs des gangs pour réduire les violences ? », interroge Sergio Ocampo Arista, journaliste mexicain

La disparition de 43 étudiants dans la ville d’Iguala, en 2014, a alerté l’opinion internationale sur la situation au Guerrero. Outre l’association des parents des disparus d’Ayotzinapa, trois autres comités réunissent les familles de victimes de disparitions forcées. « Chaque comité représente environ 500 disparus, affirme Sergio Ocampo. A Iguala, 109 corps ont été découverts dans des fosses communes. Le ministère public a créé des cimetières à Chilpancingo, Iguala et Acapulco. Les autorités prétendent qu’elles n’ont pas de budget pour l’identification par tests d’ADN. »

Guerrero était contrôlé par le Parti de la révolution démocratique (PRD, gauche), dont le dirigeant local, Demetrio Saldivar Gomez, a été assassiné en avril. Beaucoup misent désormais sur la victoire à l’élection présidentielle de 2018 d’Andres Manuel Lopez Obrador, dit « AMLO », qui a rompu avec le PRD pour créer sa propre formation, Morena.

« AMLO n’a pas de baguette magique, note Sergio Ocampo. Le problème des stupéfiants est global. Si la marijuana est légalisée dans une partie des Etats-Unis, pourquoi les Mexicains devraient l’interdire ? Mais si on s’engage sur la voie de la dépénalisation, quelle position doit-on avoir sur le pavot et sur d’autres drogues ? Faut-il négocier avec les chefs des gangs pour réduire les violences ? Autant de questions qui montrent la complexité du sujet. »