Cinq choses à savoir sur le traité d’interdiction des armes nucléaires
Cinq choses à savoir sur le traité d’interdiction des armes nucléaires
Par Edouard Pflimlin
Ce traité, approuvé par 122 Etats le 7 juillet, est ouvert à ratification à partir de mercredi. Quelles sont ses caractéristiques ? Comment les Etats se positionnent-ils à son égard ? Quelle peut être sa portée ?
Ouverture de la 72e session de l’Assemblée générale des Nations unies, pendant laquelle le traité d’interdiction des armes nucléaires sera ouvert à ratification (photo du 12 septembre 2017). / Mary Altaffer / AP
Le traité d’interdiction des armes nucléaires sera ouvert à ratification à compter de mercredi 20 septembre. La cérémonie de signature se déroulera pendant la 72e session de l’Assemblée générale des Nations unies, à New York. Le 7 juillet, 122 pays avaient signé ce traité, dont la mise en application interviendra après que 50 Etats l’auront ratifié. Quelles sont les caractéristiques de ce traité ? Comment les Etats se positionnent-ils à son égard ? Quelle peut être sa portée ? Réponse en cinq points.
Qui est à l’origine de ce traité ?
L’initiative du traité a été portée par un consortium d’ONG rassemblées dans la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (International Campaign to Abolish Nuclear Weapons, ICAN). Celle-ci a été lancée en 2007. Elle regroupait en 2015 424 organisations non gouvernementales partenaires dans 95 pays (dont 56 en France). La première session d’une conférence de négociation aux Nations unies s’est déroulée du 27 au 31 mars ; elle a été suivie d’une deuxième, du 15 juin au 7 juillet, aboutissant au traité.
Que dit ce traité et quelle est son importance ?
Contrairement aux armes biologiques et chimiques, les armes nucléaires n’étaient pas encore interdites.
Dans son article 1, le traité dit qu’il sera interdit « en toutes circonstances de développer, tester, produire, fabriquer, acquérir, posséder ou stocker des armes nucléaires ou d’autres dispositifs nucléaires explosifs ».
De plus, ce traité reconnaît que la menace d’employer ces armes – la politique de dissuasion – est aussi interdite.
« Le mot “historique” peut être utilisé pour expliquer l’importance de ce nouvel instrument de droit international », considère Jean-Marie Collin, vice-président d’Initiatives pour le désarmement nucléaire et membre d’ICAN France.
Pour les détracteurs du traité, en revanche, il a plutôt une portée symbolique, en raison de l’importance du stock mondial d’armes nucléaires et de la position des grandes puissances nucléaires.
Quelle est la position des Etats à propos de ce traité, et notamment de ceux qui sont dotés d’armes nucléaires ?
Parmi les Etats qui ont été en pointe pour défendre ce traité figurent l’Autriche, le Brésil, le Mexique, l’Afrique du Sud, la Suède, l’Irlande et la Nouvelle-Zélande.
En revanche, tous les Etats détenant des armes nucléaires (Etats-Unis, Russie, Royaume-Uni, Chine, France, Inde, Pakistan, Corée du Nord et Israël) ont adopté une position commune, rejetant les résultats des négociations concernant le traité.
Ces puissances nucléaires, qui n’ont pas participé à ce processus de négociation, le jugent irréaliste, estimant qu’il n’aura aucun impact sur la réduction du stock mondial. La France, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont estimé, dans un communiqué commun, que ce texte « méprise clairement les réalités de l’environnement sécuritaire international ».
Pour mémoire, selon un rapport du Sénat, « début 2016, neuf Etats possédaient environ 15 395 armes nucléaires ».
Même le Japon, seul pays à avoir connu une attaque atomique en 1945, a boycotté les négociations, ainsi que la plupart des pays de l’OTAN.
Pourquoi la France s’oppose-t-elle à ce traité ?
Pour la diplomatie française, ce traité est « inadapté au contexte sécuritaire international, caractérisé par des tensions croissantes et la prolifération des armes de destruction massive, dont témoigne notamment la menace nucléaire nord-coréenne », rapporte le site Opex360, spécialisé en questions militaires, citant le Quai d’Orsay.
Pour le gouvernement français, la France, « n’entend pas adhérer » à ce traité, qui « ne nous lie pas et ne crée pas de nouvelles obligations ». Pour Paris, la « politique de sécurité et de défense de la France […] repose sur la dissuasion nucléaire ». Et, ajoute le Quai d’Orsay, « le contexte international n’autorise aucune faiblesse ».
Quelles sont les prochaines étapes en ce qui concerne ce traité ?
Le traité est ouvert à la signature à compter du 20 septembre. Les chefs d’Etat et de gouvernement présents à l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) pourront ainsi signer ce document lors d’une cérémonie officielle.
Dans chaque pays, le traité devra ensuite être approuvé sous forme de loi par le Parlement, ce qui permettra le dépôt des instruments de ratification à l’ONU auprès du secrétaire général, dépositaire du texte.
Le traité entrera en vigueur quatre-vingt-dix jours après le dépôt du cinquantième instrument de ratification. Ce qui peut laisser augurer une entrée en vigueur au plus tard d’ici à mai 2018, selon Jean-Marie Collin.
Les puissances nucléaires font toutefois valoir que leur arsenal sert de dissuasion contre une éventuelle attaque nucléaire et rappellent qu’elles restent engagées par le traité de non-prolifération nucléaire (TNP) de 1968. Celui-ci rend notamment les Etats responsables de la réduction de leurs stocks.
La Corée du Nord a, de son côté, accéléré son programme d’armement nucléaire et balistique en dépit du TNP. L’essai récent d’une bombe thermonucléaire ne va pas dans le bon sens. Les puissances nucléaires ne semblent pas prêtes à désarmer.