Polémique en Belgique sur « l’identification » de migrants par le pouvoir soudanais
Polémique en Belgique sur « l’identification » de migrants par le pouvoir soudanais
Par Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, Correspondant)
La venue à Bruxelles de trois fonctionnaires dépêchés par le Soudan, dirigé par le dictateur Omar El-Béchir, pour identifier des demandeurs d’asile suscite de vives réactions.
Theo Francken, le secrétaire d’Etat belge à la migration, en décembre 2016. / EMMANUEL DUNAND / AFP
La venue en Belgique de trois fonctionnaires soudanais qui vont procéder à « l’identification » des migrants crée une vive polémique et entraîne des appels à la démission du secrétaire d’Etat à la migration, Theo Francken. Celui-ci a lui-même indiqué, en se félicitant, qu’il avait invité ces responsables.
Arrivés dimanche 17 septembre, ils doivent examiner la situation d’une centaine de leurs compatriotes, arrêtés récemment à Bruxelles et actuellement enfermés dans des centres de rétention. L’invitation lancée, à l’en croire, par le secrétaire d’Etat, vise, selon lui, à déterminer l’identité de personnes qui, pour la plupart, auraient déchiré leurs papiers à leur arrivée.
M. Francken a indiqué lundi, depuis New York où il participe à la session des Nations unies, que sa décision, d’ordre « technique », n’empêche pas les Soudanais concernés d’introduire une demande d’asile. Il affirme, par ailleurs, que d’autres pays européens procèdent de la même manière.
Ses déclarations sont jugées inacceptables par l’opposition socialiste et écologiste. Le PS francophone déplore que l’on fasse appel aux autorités d’un pays dictatorial pour identifier des migrants qui fuient précisément ce régime. Au sein de la majorité, le parti chrétien-démocrate flamand CD & V réclame lui aussi de la « clarté » sur ce dossier. Le premier ministre, Charles Michel, sera invité à s’expliquer devant le Parlement dans les prochains jours.
Me Alexis De Swaef, président de la Ligue des droits de l’homme, demande, quant à lui, la démission de M. Francken. Il souligne que le président du Soudan, Omar El-Béchir, est visé depuis 2009 par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale pour génocide, crime contre l’humanité et crimes de guerre. Le Conseil de sécurité de l’ONU avait mandaté, en 2005, la Cour pénale internationale pour une enquête sur les crimes commis au Darfour. Le président a toutefois continué à voyager dans certains pays.
Il semble que la visite des fonctionnaires venus de Khartoum ait été organisée avec la collaboration active de l’ambassade du Soudan. L’ambassadeur à Bruxelles, Motrif Siddiq Ali, est un ancien haut responsable des services secrets dans son pays et un proche du président Omar El-Béchir. M. Francken affirme toutefois que les agents envoyés en Belgique ne sont pas membres des services secrets.
Coutumier de déclarations politiquement incorrectes et n’hésitant pas à briser certains tabous, le secrétaire d’Etat a provoqué une autre polémique récemment en se réjouissant du « nettoyage » auquel s’est livrée la police en arrêtant des clandestins au parc Maximilien de Bruxelles, où se reconstituait un camp abritant notamment des Soudanais. Il avait, par la suite, dit regretter l’emploi de ce mot.
Ses diverses incartades lui valent, en tout cas, un regain de popularité. Selon des enquêtes d’opinion, il est désormais la personnalité politique la plus populaire en Flandre et il séduit également une partie des francophones. Il est généralement présenté comme le probable successeur de Bart De Wever, leader du parti nationaliste N-VA et maire d’Anvers.