Plongée dans l’extrême droite allemande
Plongée dans l’extrême droite allemande
Par Frédéric Lemaître
Livre. Le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) va entrer au Bundestag. Un essai revient en détail sur ce parti né en 2013 sur des thèses libérales et eurosceptiques et qui s’est rapidement transformé en un « parti national-populiste ».
« L’Autre Allemagne, le réveil de l’extrême droite, de Patrick Moreau (Editions Vendémiaire, 296 pages, 22,50 euros) ». / Editions Vendémiaire
LIVRE. Alors que près d’une centaine de députés d’extrême droite du parti Alternative pour l’Allemagne (AfD), viennent d’être élus au Bundestag – une première depuis la fin de la seconde guerre mondiale – le livre de Patrick Moreau, L’Autre Allemagne, le réveil de l’extrême droite, devrait connaître un franc succès. Docteur en histoire et en sciences politiques, chercheur au CNRS, Patrick Moreau vient en effet de publier un essai très complet sur l’extrême droite allemande.
L’auteur revient en détail sur ce parti, né en 2013, sur des thèses à la fois libérales et eurosceptiques et qui, au gré de batailles internes sur fond de crise européenne des migrants, s’est rapidement transformé en un « parti national populiste » sur le modèle du FPÕ autrichien.
L’un des nombreux intérêts du livre est de montrer comment ce parti, malgré une composante nationale-identitaire, réussit malgré tout à respecter le cadre de la Loi fondamentale allemande.
Si cette formation a su prendre des électeurs à tous les partis, notamment à la CDU/CSU, mais aussi à la gauche radicale, ses dirigeants sont essentiellement des frustrés du « Merkélisme ». C’est que, quel que soit son programme (sortie de l’euro, refus de l’immigration…), ce parti s’est surtout construit en opposition à ce que ses dirigeants appellent le système ou les vieux partis.
« Poutinophilie »
Comment va-t-il évoluer, une fois au Bundestag ? L’auteur se garde bien de le prédire car ses adhérents ont refusé, en 2016, de trancher la question de savoir si le parti devait ou non se recentrer pour être éventuellement en mesure de participer à une coalition gouvernementale.
Une chose est pourtant certaine. Vladimir Poutine, qui pouvait déjà se féliciter des sympathies de la gauche radicale (die Linke) à son égard, a désormais deux fers au feu au Bundestag, puisque l’une des caractéristiques de l’AfD est sa proximité avec le maître du Kremlin. Cette « Poutinophilie » est d’ailleurs la seule caractéristique commune aux 230 organisations, partis, cercles et autres associations d’extrême droite, actuellement recensés en Allemagne affirme l’auteur.
Autre mérite de cet essai, il revient sur l’extrême droite allemande depuis 1945. Dans l’ancienne Allemagne de l’Ouest, où celle-ci n’a jamais totalement disparu, même si elle est longtemps restée extrêmement marginale. Mais aussi, et c’est encore plus intéressant, dans l’ex-Allemagne de l’est.
Entre les skinheads et les anciens membres de la Gestapo reconvertis dans la Stasi, la police secrète du régime, le spectre est large. Patrick Moreau rappelle d’ailleurs qu’en 1948, avec l’accord de Moscou, le pouvoir est-allemand autorisa la création du Parti national-démocrate d’Allemagne, constitué quasiment exclusivement d’anciens cadres nazis ou d’officiers de la Wehrmacht.
Que l’Afd soit davantage implantée à l’Est qu’à l’Ouest du pays s’explique par de nombreux facteurs, mais aussi par cette présence constante de l’extrême droite dans l’ex-RDA, trop souvent négligée.
L’Autre Allemagne, le réveil de l’extrême droite, de Patrick Moreau (Editions Vendémiaire, 296 pages, 22,50 euros).