L’avis du « Monde » – à voir

Onze ans après la sortie d’Une vérité qui dérange, le documentaire de Davis Guggenheim qui sensibilisa un large public au réchauffement climatique à travers la figure d’Al Gore, Une suite qui dérange dresse le bilan de dix ans de lutte politique et idéologique, toujours à travers le portrait de son ­personnage principal. Bilan qui tombe on ne peut plus à propos, l’année d’une série ­d’ouragans dévastateurs et de l’élection d’un climatosceptique à la tête du deuxième pays le plus pollueur du monde.

Lire la critique parue lors du Festival de Cannes : Al Gore dérange encore

Si le discours écologique n’est toujours pas venu à bout du climatoscepticisme, une large partie de la population n’a plus besoin d’être convaincue : elle ressent dans sa chair et dans son quotidien les effets du réchauffement ­climatique. Nourri d’innombrables images de catastrophes naturelles récentes, le documentaire nous invite à penser que l’imaginaire des films catastrophes avec lequel on aimait se faire peur s’est déversé dans la réalité.

Du côté de l’hagiographie

Entièrement construit autour de la personnalité d’Al Gore, Une suite qui dérange tombe inévitablement du côté de l’hagiographie. Le Prix Nobel de la paix en 2007 est décrit comme un gourou bienfaisant qui a laissé de côté les ambitions d’une carrière politique pour la défense d’une noble cause. Partant aux quatre coins du globe pour former des ambassadeurs du climat, tentant de négocier in extremis avec l’Inde pour éviter qu’elle ne se dote d’usines de charbon, l’homme pourrait sortir tout droit d’un film de Frank Capra : il allie des talents de pédagogue et d’orateur, un mélange d’idéalisme et de pragmatisme, loin de tout carriérisme.

Al Gore appartient autant à la réalité qu’à la fiction et une cause a besoin de s’incarner

Si l’on s’habitue vite au portrait flatteur, c’est que, comme tout homme politique, Al Gore appartient autant à la réalité qu’à la fiction et qu’une cause a besoin de s’incarner. On accepte vite d’être pris d’affection pour ce héros partagé entre optimisme et désespoir, entre images apocalyptiques et statistiques encourageantes, qui prodigue à son auditoire des raisons d’espérer sans jamais lui cacher la réalité d’un bilan écologique accablant. Le militantisme, du moins celui d’Al Gore, est mû par une immense énergie du désespoir.

En 1998, alors vice-président de Bill Clinton, Gore défie la NASA d’envoyer un satellite scientifique pour actualiser l’image de la Terre vue de l’espace. Bloqué par le Parti républicain, le satellite sera finalement lancé en 2015, sous la présidence Obama. C’est une vue datant de 1977 qu’il avait accrochée dans son bureau, et c’est celle mise à jour que l’on découvre à la fin du film. L’image d’une Terre défigurée par l’activité humaine, mais une image ardemment désirée, et que l’homme semble contempler avec les yeux d’un enfant. Se révèle alors la raison intime de son combat : un jour, Al Gore est tombé amoureux de la planète qu’il habitait.

UNE SUITE QUI DERANGE : LE TEMPS DE L'ACTION – Bande-annonce VF [au cinéma le 27 septembre 2017]
Durée : 02:19

Documentaire américain de Bonni Cohen et Jon Shenk. Avec Al Gore (1 h 38). Sur le Web : unesuitequiderange.fr, www.facebook.com/UneSuiteQuiDerange.FR et www.paramountpictures.fr/film/an-inconvenient-sequel-truth-to-power