TV : « Much Loved », femmes perdues à Marrakech
TV : « Much Loved », femmes perdues à Marrakech
Par Thomas Sotinel
A voir aussi ce soir. L’empathie et la chaleur de Nabil Ayouch sur ses personnages de prostituées (sur Ciné+ Club à 20 h 45).
Much Loved (VOST) - Bande Annonce
Durée : 01:29
Noha (Loubna Abidar), Randa (Asmaa Lazrak) et Soukaina (Halima Karaouane) cohabitent dans une villa de Marrakech. Elles en sortent pour travailler. La première, mère caractérielle, cajole et martyrise ses colocataires. Randa est une jeune fille moderne qui ne veut coucher qu’avec des Européens, et rêve de partir pour l’Espagne. Un peu fleur bleue, Soukaina vit une fausse idylle avec un client saoudien qui la touche à peine, et une vraie idylle avec un beau jeune homme qui n’a pas l’air de rouler sur l’or.
L’énergie dramatique de Much Loved repose sur les étincelles produites par la confrontation entre ces personnalités plus que sur l’inventivité du scénario. Il arrive, au fil des rencontres tarifées, que la sensation de répétition étouffe la vivacité du film. Ces trois femmes tentent par tous les moyens de vivre là où tout est organisé pour qu’elles se contentent de survivre.
Face à elles, elles trouvent des clients marocains qui les méprisent, les Saoudiens qui leur servent de beaux compliments, les Européens qui font semblant de croire que les Marocaines sont soumises aux mêmes contraintes que les Françaises ou les Allemandes. Ces hypocrisies, Noha et ses compagnes les dynamitent du mieux qu’elles peuvent. Pour elles, une nuit n’est vraiment réussie que si elles ont pu se refuser tout en gagnant de l’argent.
La Danse - MUCH LOVED [Extrait du Film]
Durée : 01:46
Quand le film sort du commerce des corps, il se fait plus grave. Noha tente en vain, à coups de billets de 100 dirhams et de cadeaux, de conserver l’estime d’une famille qui ne la tolère que parce qu’elle tient à l’écart la pauvreté ; Randa rêve d’Europe, mais se voit refuser un passeport ; Soukaina voudrait pouvoir aimer son pauvre soupirant.
Pour raconter cette histoire, Nabil Ayouch filme avec une espèce de curiosité furtive, faisant glisser sa caméra le long des rues de Marrakech, se contentant d’éclairages chiches quand les circonstances l’exigent. La sensation d’enfermement est omniprésente. Pour l’alléger, le réalisateur fait intervenir un quatrième personnage central, aux deux tiers du film. Hlima (Sara Elmhamdi Elalaoui) est une paysanne venue chercher fortune à la ville. Cette opposition produit un peu de comédie, tout en rompant l’unité de Much Loved.
Much Loved, de Nabil Ayouch. Avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane (Maroc, 2015, 100 min).