Moscou cherche à se positionner en médiateur dans la crise nord-coréenne
Moscou cherche à se positionner en médiateur dans la crise nord-coréenne
Par Isabelle Mandraud (Moscou, correspondante)
Une haute diplomate nord-coréenne, responsable du département nord-américain à Pyongyang, a été longuement reçue dans la capitale russe.
Donald Trump et Kim Jong-un sur une affiche, à Séoul, en Corée du Sud. / Ahn Young-joon / AP
Arrivée discrètement à Moscou deux jours plus tôt, la diplomate nord-coréenne Choe Son-hui, spécialiste des Etats-Unis, a été reçue pendant plus de quatre heures, vendredi 29 septembre, au ministère des affaires étrangères russe par Oleg Bourmistrov, ambassadeur itinérant et l’un des principaux négociateurs du Kremlin sur les questions nucléaires. Officiellement, il s’agissait d’un « échange de points de vue sur la situation en Asie du Sud-Est ». Officieusement, la Russie cherche à jouer un rôle de médiateur dans la crise nord-coréenne.
La venue de l’envoyée spéciale de Kim Jong-un, qui participa comme conseillère et interprète entre 2003 et 2009 aux pourparlers à six entre Pyongyang, Séoul, Washington, Pékin, Tokyo et Moscou, sur la dénucléarisation nord-coréenne, a été précédée d’une salve de prises de position russes dans la presse anglo-saxonne autour d’un même thème : quoique pesant bien moins que son puissant voisin chinois sur le dossier, la Russie serait « bien placée » pour faire retomber la pression entre Washington et Pyongyang.
La position particulière de la Russie
« La Russie est généralement considérée comme relativement peu importante dans la plupart des discussions sur la crise nucléaire nord-coréenne, mais elle occupe une position unique pour aider à la désescalade », écrit ainsi Dmitri Trenine, directeur du centre de réflexion Carnegie de Moscou, dans une tribune parue dans le New York Times, le 18 septembre. « Le Kremlin comprend la psychologie nord-coréenne, affirme Fiodor Loukianov, président du Conseil russe pour la politique étrangère et de défense, proche du Kremlin, dans le Financial Times du 20 septembre. Puisque les dirigeants russes se sont sentis aussi historiquement assiégés. »
« La crise des missiles nucléaires en Corée du Nord n’a pas de solution facile, mais la gestion est à la fois possible et nécessaire, poursuit-il. Si la Russie le fait habilement, elle renforcera sa position en Asie-Pacifique et franchira une autre étape face à l’hégémonie américaine dans les affaires internationales. Moscou le perçoit, et ceci explique certaines déclarations contradictoires. »
De fait, la Russie a – tout comme la Chine, principal allié et partenaire commercial de la Corée du Nord – approuvé la huitième salve de sanctions votées par le Conseil de sécurité de l’ONU, après le dernier et le plus puissant des six essais nucléaires réalisés par Pyongyang, le 3 septembre. Mais dans le même temps, Vladimir Poutine a toujours pris soin de décrire ces sanctions comme « inutiles et inefficaces ».
« Des garanties de sécurité qui conviennent à Pyongyang »
« En Corée du Nord, ils sont prêts à manger de l’herbe plutôt que de renoncer à leur sécurité », avait-il déclaré début septembre, rappelant le sort du dictateur irakien Saddam Hussein, condamné à mort et pendu, et celui du Libyen Mouammar Kadhafi, lynché à mort, tous deux ayant été dépouillés de leurs armes de destruction massives. « Dans cette situation, il est nécessaire de trouver des garanties de sécurité qui conviennent à Pyongyang. Cela ne peut être fait que d’une manière politico-diplomatique », a assuré, vendredi, Mikhaïl Oulianov, directeur du département du contrôle et de la non-prolifération de l’armement nucléaire au ministère des affaires étrangères russe, où Mme Son-hui a également rencontré le vice-ministre Igor Morgoulov.
Le président russe se prévaut aussi d’avoir toujours poursuivi le dialogue avec la Corée du Nord, où il s’était rendu peu de temps après son arrivée au pouvoir, en 2000. Au lendemain de la visite du secrétaire d’Etat Rex Tillerson en Chine, le chef du Kremlin entend se positionner comme un médiateur précieux. « L’attention se tourne habituellement vers la Chine (…) mais pour une foule de raisons stratégiques, il existe des limites inhérentes à ce que Pékin fera », assure Dmitri Trenine. Selon cet analyste, l’influence de la Russie est certes bien moindre que celle de son puissant voisin chinois, mais elle suscite en même temps « moins de ressentiment nationaliste et de soupçons parmi les Nord-Coréens ».