Catalogne : sortir de la politique du pire
Catalogne : sortir de la politique du pire
Editorial. Après le référendum du 1er octobre, Mariano Rajoy, le premier ministre espagnol, et Carles Puigdemont, le leader régional, doivent faire évoluer leurs positions pour que le pays ne s’enlise pas dans une crise politique majeure.
Editorial du « Monde ». Si le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, avait voulu aider la cause des indépendantistes catalans, il ne s’y serait pas pris autrement. Les images d’une police espagnole intervenant, parfois brutalement, pour empêcher les Catalans d’aller voter dimanche 1er octobre, à l’occasion d’un « référendum d’autodétermination », ont assurément fait progresser la cause du séparatisme dans cette région. Entre les deux parties, la fracture s’est aggravée. L’Espagne s’enfonce dans une crise politique majeure.
M. Rajoy avait toutes les bonnes raisons d’être opposé à ce scrutin décidé par l’étrange coalition au pouvoir dans la province autonome de Catalogne – des indépendantistes de droite alliés à l’ultragauche. A tous les niveaux, régional et national, le référendum a été déclaré illégal par la justice. Il est manifestement contraire à la Constitution dont l’Espagne démocratique s’est dotée en 1978. Il n’a en rien respecté les normes d’une consultation admise dans un pays membre de l’Union européenne.
Si l’on en croit le chef du gouvernement de Catalogne, Carles Puigdemont, le promoteur de cette initiative, le oui à l’indépendance – 2 millions de voix – l’a emporté à 90 % des votants. Mais le taux d’abstention a été de 60 %. Est-ce suffisant pour s’autoproclamer « indépendants » ? Sûrement pas. Dans le reste de l’Europe et ailleurs, aucun Etat n’est disposé à reconnaître le résultat de ce vote.
Puigdemont ne devrait pas crier victoire
Madrid fait valoir que la police de Catalogne n’a pas voulu appliquer les décisions de la justice et qu’il revenait au gouvernement central de les faire respecter. Certes. Mais il y a aussi les intérêts supérieurs de l’Espagne, qui, en l’espèce, commandaient de ne pas braquer les Catalans et de ne pas favoriser la cause des indépendantistes parmi eux. Il y a aussi l’art politique, celui de gouverner, qui, dans cette affaire, appelait à favoriser un compromis et non à polariser davantage la situation.
L’action de la police espagnole contre des gens de tous âges allant pacifiquement voter ne sera pas oubliée de sitôt chez les Catalans, même chez ceux d’entre eux – probablement une majorité – qui sont contre l’indépendance. M. Rajoy a mené la politique du pire. Elle peut se retourner contre lui et contre la coalition minoritaire qu’il dirige à Madrid.
Pour autant, M. Puigdemont ne devrait pas crier victoire. Que propose-t-il ? Que le Parlement régional proclame « l’indépendance » ? Le sentiment d’une singularité nationale catalane peu ou pas assez respectée par Madrid – notamment au chapitre de l’équité fiscale – est sans doute majoritaire en Catalogne. Mais M. Puigdemont a favorisé l’instauration d’un climat malsain. La démagogie l’emporte quand les mots n’ont plus de sens. Quand on compare l’action de la police, dimanche, au retour de la dictature du général Franco. Ou quand on assimile la situation d’une Catalogne riche et brillant comme jamais des feux de ses multiples talents à celle du Kurdistan ou du Kosovo.
Revenir à une négociation sur l’autonomie
Le face-à-face Rajoy-Puigdemont conduit l’Espagne à une impasse. A la tête du Parti populaire (le PP), la droite espagnole, le chef du gouvernement ne peut continuer à occulter la question catalane. Elle ne va pas disparaître. Il a même contribué dimanche à l’exacerber. Les Catalans attendent une initiative de sa part – plus encore que de M. Puigdemont. M. Rajoy devrait d’autant plus renoncer à la politique de l’autruche que son parti porte une responsabilité particulière dans cette affaire.
Votée par les Cortes, le Parlement espagnol, approuvée par référendum en Catalogne, une réforme de 2006 donnait à la province un statut d’autonomie renforcée. Mais, jouant à des fins purement électorales la carte d’un nationalisme intransigeant, le PP s’y est opposé. Il a saisi le Tribunal constitutionnel qui, en 2010, a rendu une décision annulant, dans les faits, le nouveau statut de la Catalogne. Depuis ce jour, la cause séparatiste n’a cessé de progresser dans la province.
Il faut revenir à une négociation sur l’autonomie de la Catalogne. Cela suppose que M. Puigdemont reprenne contact avec le réel – prêtant peu au lyrisme – et que M. Rajoy consente à sortir de la posture – toujours réductrice – pour entrer dans la complexité de la situation catalane.
« Il n’y a pas eu de référendum pour l’autodetermination en Catalogne », selon Rajoy
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