Kylian Mbappé félicité par Thomas Meunier et Edinson Cavani. / CHRISTOPHE SIMON / AFP

Dimanche 1er octobre au matin, dans un troquet parisien du 10e arrondissement, les habitués se grattent la tête. Comment faire pour arrêter Neymar ? Telle est la question, a priori insoluble. « En lui cassant les deux jambes ? », ose finalement un drôle, dont la saillie se perd dans un silence où la réprobation prend désormais le pas sur la perplexité, et qui se sent même obligé de préciser que « nan, je rigolais ». Ce qui n’est pas le cas des adversaires du club parisien depuis le début de la saison.

Samedi 30 septembre, le PSG a écrabouillé les Girondins de Bordeaux, infligeant un infamant 6-2 au troisième de Ligue 1, qui était arrivé au Parc avec un statut d’invaincu en championnat. Quelques jours plus tôt, ce sont les Allemands du Bayern Münich qui sont repartis les joues rougies par la claque reçue dans la capitale française (3-0). De quoi coller à l’équipe d’Unai Emery une étiquette d’imbattable.

« Le PSG peut faire une saison sans perdre »

« Est-ce qu’on est une armada ? Je ne sais pas, mais on est une équipe de joueurs qui prennent du plaisir ensemble et qui en donnent », expliquait doctement Kylian Mbappé, 18 ans, samedi soir à l’heure de l’analyse post-match devant la presse. L’entraîneur bordelais Jocelyn Gourvennec se réjouissait presque du score final après une première mi-temps abyssale pour ses ouailles, bouclée à 5-1 pour les Parisiens. « On limite la casse en perdant 6-2, on ne prend que moins 4 au goal-average », a soufflé le technicien, adepte du verre à moitié plein. Je pense que les Parisiens seront très au-dessus cette année. Paris s’est encore renforcé, ils ont deux joueurs galactiques, plus tous les très bons joueurs qu’il y avait avant. Ils peuvent faire une saison sans perdre, même s’ils ne gagneront pas tout le temps, on l’a vu à Montpellier (0-0, le 23 septembre) ».

Ce qu’on a bien vu et revu, samedi au Parc des princes, c’est qu’il n’y avait pas match, d’autant moins lorsque les adversaires viennent dans la capitale pour faire des selfies avec Neymar, comme le Bordelais Malcom à l’issue de la partie. Avec son effectif intergalactique, avec son recrutement à 400 millions d’euros, fair-play financier compris, ce PSG a effectivement de quoi faire rêver, ou peur, ou les deux à la fois. Ce qui n’a rien de neuf. Depuis le début de l’ère Qatar Sport Investment, en 2011, la question se pose à chaque début de saison : comment le titre de champion de France peut-il échapper au PSG ? Ce fut pourtant le cas par deux fois, en 2012 (Montpellier) et en 2017 (Monaco), et c’est précisément pour s’éviter ce genre d’accident que le carnet de chèques a flambé lors du mercato. Avec sept victoires en huit matchs de L1, et surtout une différence de buts délirante, à + 22, soit la plus importante à ce moment de la saison pour un club en France depuis le Stade de Reims de Raymond Kopa en 1952, ce PSG à la mode neymaro-mbappesque semble bien taillé pour ne faire aucun quartier.

A vaincre sans périls, on triomphe sans gloire

Mais comme dans les troquets on aime bien les débats d’idées, on commence déjà à se dire qu’à vaincre sans périls, on triomphe sans gloire. Pis même, on risque de tomber dans la facilité, et de ne jamais se hisser vers les sommets véritables, hors de l’Hexagone déjà trop petit, c’est-à-dire dans le dernier carré VIP de la Ligue des champions. Et revoilà la terrible perspective d’une fin de saison en roue libre, avec un titre national validé en mars, mais une élimination en quart de finale de la C1, avec ou sans remontada

Ce PSG a tout pour lui, mais il lui manque une chose, essentielle dans le sport de très haut niveau : un Michal Martikan. Pas forcément un champion de canoë slovaque, quoique ce soit toujours très apprécié dans un groupe, mais bel et bien un rival, un vrai.

Etrangement absent des conversations dans les troquets du 10e arrondissement de la capitale, Michal Martikan a lui aussi brillé samedi 30 septembre. A 38 ans, le céiste slovaque a décroché à Pau le bronze en slalom, catégorie C1, comme la Ligue des champions. C’est la 21e médaille mondiale du déjà quintuple champion du monde, quadruple champion d’Europe et double médaillé d’or olympique de la discipline. Interrogé par un journaliste de France Télévisions qui lui demandait au sortir du bassin si c’était dur, Martikan répondit simplement : « Non, ce n’était pas dur. » A la Mbappé, le grand sourire en moins.

« Il m’a obligé à donner le meilleur »

Tous les quatre ans, de 1996 à 2012, si le nom de Michal Martikan est revenu comme une rengaine aux oreilles des amateurs de joutes olympiques, c’est parce qu’il était toujours accolé à celui du français Tony Estanguet, triple champion olympique, du monde et d’Europe. Deux hommes qui se sont partagé à toi à moi tous les honneurs possibles dans cette discipline un peu plus confidentielle que celle du ballon au pied, grandissant l’un et l’autre dans une rivalité aussi rare par sa longévité que productive.

A Pau, c’est d’ailleurs des mains de son inséparable Tony Estanguet, qui a raccroché les pagaies en 2012 pour devenir membre du CIO et accessoirement président du comité d’organisation des JO de Paris 2024, que le Slovaque a reçu sa médaille. « Avec Michal, nous avons vécu une étrange histoire. Toute ma carrière, il m’a obligé à donner le meilleur », avouait en 2012 le Français.

Sans un Martikan en Ligue 1, le PSG peut-il véritablement grandir et atteindre son graal continental ? Le 22 octobre, les Parisiens iront rendre visite à leur meilleur ennemi, un Olympique de Marseille qui s’est relancé à la faveur d’une savoureuse victoire 4-2 à Nice, dimanche 1er octobre. Dans les troquets du chef-lieu du département des Bouches-du-Rhône, les habitués du comptoir se grattent aussi la tête.