Lila Le Bas – présidente de l’UNEF –, en septembre 2016. / LOÏC VENANCE / AFP

Dans le cadre de la concertation qui a lieu au ministère de l’enseignement supérieur au sujet de l’accès à l’université, les syndicats étudiants répètent leur opposition à la sélection des étudiants. Pourquoi ? La présidente de l’Union des étudiants de France (UNEF), Lilâ Le Bas, a accepté de répondre aux questions des internautes lors de la journée spéciale Rentrée étudiante du Monde Campus, jeudi 28 septembre. Voici le compte rendu de cet échange en direct.

Pourquoi l’UNEF est-elle contre toute forme de sélection, sauf la sélection par l’échec ? Est-ce que c’est juste ? - Antoine P.

Lilâ Le Bas. Nous sommes opposés à toute forme de sélection, et bien sûr aussi à celle par l’échec. Mais nous ne pensons pas que pour enrayer cet échec il faille trier les étudiants à leur entrée à l’université. Nous refusons que l’avenir des jeunes soit figé à 17 ans, qu’on leur impose telle ou telle formation. Ce ne peut être une réponse parce que l’orientation par défaut mène justement à l’échec.

L’UNEF s’est toujours opposée à toute forme de sélection à l’entrée de l’université car il faut garantir à chaque jeune, quelle que soit son origine sociale de pouvoir réaliser son projet d’étude et son projet professionnel, d’accéder au plus haut niveau de qualification. Le diplôme est la meilleure protection contre le chômage.

Pourquoi, au lieu de proposer une sélection à l’entrée à l’université, les syndicats étudiants ne demandent-ils pas à rehausser le niveau de validation du bac ? - Plop

Je ne pense pas que le problème soit aujourd’hui le niveau du bac, ou bien que 80 % d’une génération atteigne ce diplôme : c’est une bonne nouvelle que beaucoup de jeunes y accèdent. Evidemment qu’il y a des réformes à faire au lycée (plus de contrôle continu par exemple), mais la solution n’est pas de rendre plus difficile l’accès au baccalauréat dans l’idée que cela permettrait de mieux faire réussir les étudiants. Leur réussite ou leur échec ne sont pas dus au niveau du baccalauréat mais aux mauvaises conditions d’études offertes à l’université.

Quelles sont les propositions concrètes de l’UNEF pour sortir de la contradiction entre le principe de non-sélection en licence et les capacités limitées de certaines formations et contribuer ainsi à augmenter le taux d’échec en première année, plutôt que d’orienter les candidats vers des filières mieux adaptées à leur profil ? - Overzelus

Oui, il faut augmenter les capacités d’accueil à l’université, tout simplement car nous avons un boom démographique à gérer (avec cette année 40 000 bacheliers supplémentaires qui ont souhaité s’inscrire dans l’enseignement supérieur). C’est une chance ! Il faut pouvoir les accueillir dans de bonnes conditions et ne laisser aucun jeune à la porte de l’enseignement supérieur.

Nous portons par ailleurs une réforme en profondeur de la licence, pour éviter le phénomène de tension dans les filières en tension. Nous proposons des licences davantage pluridisciplinaires pour permettre une spécialisation progressive des étudiants et éviter les phénomènes d’engorgement dans certaines filières, et notamment en première année. La pluridisciplinarité permettrait aux jeunes de continuer à construire leur projet d’étude et leur projet professionnel pendant leur cursus.

Comment pouvons-nous être sûrs que la sélection ne sera pas discriminatoire ? Je vois le risque de créer à l’intérieur de l’université des inégalités que nous connaissons déjà au dehors, avec par exemple les grandes écoles. - Isaac

Nous avons justement ces inquiétudes : comment peut-on garantir que les inégalités sociales présentes dans la société ne se reproduisent pas, ou peu, à l’université ? L’UNEF pense que mettre une sélection à l’entrée reproduit et amplifie ces inégalités.

Mais il y a aussi, en effet, un enjeu à permettre une égalité sur l’ensemble du territoire, et à ne pas créer des universités à deux vitesses. C’est pour cela que nous revendiquons qu’il y ait un cadrage plus important du financement des universités au niveau du ministère. Et aussi un cadrage des diplômes, pour permettre que celui-ci ait la même valeur quel que soit l’établissement d’étude.

S’il n’y a pas assez de places à l’université, n’est-ce pas surtout à cause du manque de locaux ? Ne peut-on pas les optimiser ?- Grandgillou

Il y a effectivement un sujet important quant aux locaux pour pouvoir accueillir ces nouveaux étudiants. Il faut savoir qu’aujourd’hui le travail d’optimisation des locaux universitaires est déjà fait sur le territoire. Mais quand on a 40 000 étudiants supplémentaires en 2017, ce qui représente deux fois l’université de Cergy-Pontoise par exemple, cela montre qu’il y a une nécessité de construire de nouveaux locaux pour accueillir tous ces étudiants qui s’entassent aujourd’hui dans des amphithéâtres.

Dans cet échange, on parle d’envies, d’aptitudes, de projets… mais très peu d’offres et de besoins de la société. La réalité rattrape trop souvent les utopies ! - Lucide

Nous parlons beaucoup d’envies et de projets des étudiants, car c’est le rôle de l’université en tant que telle de permettre aux jeunes de faire les études de leur choix. Nous ne pensons pas que le rôle de l’université soit de former à un seul métier et de répondre aux besoins du marché du travail à un instant T. Nous refusons cette logique « adéquationniste ».

L’université doit permettre d’acquérir des connaissances et des compétences pour ensuite être polyvalent sur le marché du travail. Une polyvalence d’autant plus nécessaire qu’aujourd’hui les jeunes ne feront pas le même métier toute leur vie. Nous pensons que c’est le rôle de l’entreprise de former sur ses besoins spécifiques, précisément aux métiers dont elle a besoin, pas celui de l’université.