Chroniques londoniennes. Milan Czerny partagera au fil de l’année scolaire son expérience au King’s College, où il étudiera les relations internationales.

« Don’t worry, I voted remain ! » Dr James Wood, professeur d’économie, a débuté mon premier cours à King’s College London, par une référence à son vote concernant la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, lors du référendum sur le Brexit. Cette phrase était pour tous les étudiants internationaux, dont je fais partie, une façon de nous souhaiter la bienvenue, alors que le divorce entre le Royaume-Uni et l’Europe se joue à une centaine de mètres du campus. Elle était ainsi une manière de se lier aux élèves de notre promotion en relations internationales, composée à 80 % de non-Britanniques.

Matin et soir, depuis deux semaines, je traverse le Waterloo Bridge, pont séparant mon logement universitaire du Strand Campus, où se tiennent les cours. Au début de la journée, j’ai le brouillard qui se lève sur la Tamise, le soir le coucher du soleil sur la City. Ce sentiment s’atténuera certainement au fil de l’année, mais pour l’instant, ce très court trajet ne cesse de m’émerveiller. Avec sa vue typiquement londonienne, et ses hommes d’affaires au look so british, il est comme un sas avant l’atmosphère cosmopolite de King’s.

Sur le campus, les élèves asiatiques se mêlent à des filles voilées, à des jeunes portant une kippa ou un turban. En tendant l’oreille, j’entends des langues du monde entier. L’anglais n’est qu’une langue parmi d’autres. Elle sert de lien entre les étudiants des différents pays, qui restent bien souvent entre compatriotes. Toutefois, cette notion de « compatriote » est, somme toute, relative, puisque nombreux sont ceux à avoir une double nationalité, à être issu de familles d’expatriés (Français de Singapour, de Hongkong) ou à avoir un de ses deux parents d’une nationalité autre que leur pays d’habitation.

Séminaires et discussions

J’ai rencontré, par exemple, une Coréenne ayant vécu toute sa vie en Allemagne, des Russes expatriés à Londres, de très nombreux Français ayant effectué leur cycle secondaire dans un lycée français a l’autre bout du monde. Ainsi, la question de la nationalité donne souvent lieu à des réponses longues, lorsqu’il s’agit de dire d’où l’on vient, où l’on a grandi et quelle langue on parle. Ce cosmopolitisme concerne également les enseignants et les possibilités de départ à l’étranger.

De fait, j’ai discuté assez longuement avec un professeur spécialiste du Brésil, polyglotte, ancien lieutenant de l’armée brésilienne, ayant enseigné dans les plus prestigieuses universités mondiales. Il m’a dit qu’il proposait à ses étudiants en troisième année de faire des stages aux côtés des forces brésiliennes ou au sein même du gouvernement.

Les origines variées des élèves rendent particulièrement intéressants les séminaires, qui occupent une large partie des cours. Par groupes d’une dizaine d’élèves, ils sont des lieux de rencontres et de débats, sur des questions telles que « Qu’est-ce qui fait qu’une guerre est juste ou injuste ? », par exemple. Roumaine, azerbaïdjanaise, afghane, taïwanaise, l’origine des étudiants, que chacun a évoquée assis en rond lors des premiers séminaires, représente autant d’avis et de points de vue sur les enjeux internationaux. Chacun mobilise les exemples tirés de sa propre expérience. Les discussions se prolongent bien souvent en dehors du cadre des cours et sont un enseignement à part entière. J’ai ainsi passé une grande partie d’une nuit, dans une cuisine de ma résidence, avec une Turque et un Bulgare, à parler de la situation politique respective de nos pays.

Spécialités culinaires

Au-delà de cette grande diversité d’origines, le pourcentage d’étudiant français à King’s est élevé, j’ai rencontré un nombre bien plus important d’entre eux que d’Anglais. Les élèves se regroupent par pays et, malgré leur désir de rencontrer d’autres nationalités, les associations d’élèves ont pour but de retrouver les compatriotes de son pays et de promouvoir la culture de celui-ci. La French Society est certainement une des plus importantes associations de ce type. Certains préféreront rejoindre la Bangladesh Society, celle pour les élèves chypriotes, philippins, népalais, ou encore celle pour l’ethnie panjabi. J’admets être m’être rendu aux soirées de présentation de très nombreuses society, en ayant un intérêt limité pour celles-ci, en comptant sur la loi en vigueur à King’s : chaque événement est accompagné d’un large choix de plats à libre disposition.

Les rencontres au sein de mon logement sont également l’occasion de goûter des spécialités de différents pays, mon colocataire tchèque prépare un bortsch pour ceux partageant la même cuisine que moi. Ma colocataire indienne nous a invités à célébrer une fête chez elle, à Londres, dans quelques semaines. Ce qui sera l’occasion de manger des plats typiques londoniens. En effet, Londres se définit bien plus par les marchés jamaïquains dans lesquels je fais mes courses, par les stands de street food indiens que par le traditionnel fish and chips des bords de mer britanniques. Je suis à Londres, il faudra sans doute que je passe un week-end en dehors de la ville pour aller dans en Angleterre. Je suis bien conscient que le milieu dans lequel j’étudie, un rassemblement des jeunes ambitieux du monde, est bien loin des films de Ken Loach.

Milan Czerny