Donald Trump, le 6 octobre à la Maison Blanche. / KEVIN LAMARQUE / REUTERS

L’accord sur le nucléaire iranien conclu en juillet 2015 devrait connaître sa première grande épreuve au cours des prochains jours. Sans avoir jamais été démentie jusqu’à présent, la presse américaine assure en effet que le président des Etats-Unis pourrait refuser de certifier au Congrès que Téhéran applique bien cet accord, comme il est tenu de le faire tous les quatre-vingt-dix jours, ce qui ouvrirait alors une période de grande incertitude.

Donald Trump a toujours assuré que l’accord négocié par son prédécesseur démocrate, Barack Obama, avec les membres permanents du Conseil de sécurité des Etats-Unis et l’Allemagne, était le « pire » jamais conclu par Washington. Le Parti républicain, qui partageait cet avis, avait imposé à M. Obama cette procédure de certification, appliquée deux fois par M. Trump depuis son élection. Elle stipule qu’en cas d’avis négatif, le Congrès dispose d’une période de soixante jours pour se prononcer : soit en maintenant la levée des sanctions entraînée par l’accord, soit au contraire, en les réimposant.

Selon les sources internes à l’administration citées par la presse américaine, M. Trump prendrait ses distances avec l’accord, sans pour autant recommander au Congrès de renouveler immédiatement des sanctions qui le feraient alors voler en éclats, à l’initiative des Etats-Unis. Reçu jeudi à la Maison Blanche, l’un des « faucons » les plus déterminés du Congrès sur l’Iran, le sénateur Tom Cotton (Arkansas), a d’ailleurs assuré devant le Council on Foreign Relations, mardi, qu’« il n’y a aucune raison pour laquelle nous ne devrions pas donner du temps à la diplomatie pour travailler ».

Phrase unique d’un texte de 110 pages

Combien de temps, et pour quel objectif ? Ces deux questions divisent profondément les Etats-Unis de leurs alliés allemand, britannique et français. Les uns et les autres ne lisent en effet pas de la même manière l’accord de juillet 2015. Lorsque Donald Trump assure, comme il l’a encore fait jeudi, que les Iraniens « n’ont pas respecté » son esprit, il fait référence à une unique phrase de ce texte très technique qui court sur 110 pages. Cette phrase, qui figure dans son introduction, indique que les signataires « anticipent que la mise en œuvre intégrale » de cet accord « contribuera positivement à la paix et à la sécurité régionale et internationale ».

En dénonçant les activités jugées subversives de l’Iran au Moyen-Orient, de même que la poursuite de ses essais balistiques, les Etats-Unis tentent de relativiser la portée des résultats obtenus dans le domaine nucléaire. Pour les Européens, mais aussi pour la Chine et la Russie, l’accord de juillet n’a jamais eu d’autre objectif que de stopper les activités nucléaires controversées de l’Iran. Les Etats-Unis insistent d’autant plus sur les autres aspects de l’influence iranienne que l’accord est globalement respecté, comme l’Agence internationale de l’énergie atomique qui le supervise ne cesse de le confirmer.

Cette lecture intransigeante américaine est également portée aux Nations unies par l’ambassadrice américaine, Nikki Haley. C’est elle qui a esquissé la piste d’une non-certification qui permettrait à M. Trump de tenir une de ses promesses de campagne, en se défaussant sur le Congrès, chargé d’endosser la responsabilité d’une crise majeure. Mais cette lecture n’est pas partagée par tous au sein de l’administration.

« Politique intérieure »

Interrogé mardi au cours d’une audition par le sénateur indépendant Angus King (Maine), sur la question de savoir s’il est « dans [l’]intérêt national » des Etats-Unis « à l’heure actuelle, de rester dans l’accord », le secrétaire à la défense James Mattis a répondu : « Oui, sénateur. Je le pense. » Ecarté par l’administration Obama de la direction du CentCom, la direction régionale chargée du Moyen-Orient, pour ses vues jugées trop hostiles à l’Iran, l’ancien général peut difficilement être accusé de complaisance. Lors de la même audition, le chef d’état-major Joseph Dunford a confirmé par ailleurs que Téhéran appliquait bien l’accord.

Les Européens ont souvent essayé de relativiser l’enjeu de la certification en indiquant qu’il s’agissait d’une « question de politique intérieure américaine ». Une position de façade qui masque mal une profonde inquiétude.