La riposte contre la peste s’organise à Madagascar
La riposte contre la peste s’organise à Madagascar
Par Laurence Caramel
L’OMS a livré 1,2 million de doses d’antibiotiques. De quoi faire face à une propagation massive de l’épidémie.
Rassurer et agir vite : l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui pilote avec le ministère de la santé la riposte à l’épidémie de peste apparue fin août à Madagascar a commencé à se déployer sur tout le territoire. Une première livraison de 1,2 million de doses d’antibiotiques, du matériel de protection individuel (masques, combinaisons pour le personnel de santé, gants, lunettes), des insecticides et produits de désinfection, a été effectuée cette semaine. 244 000 doses devraient être encore acheminées dans les prochains jours. Ces quantités seraient suffisantes pour soigner 5 000 personnes infectées et prévenir 100 000 cas par traitement préventif.
Ces chiffres donnent la mesure du risque de propagation évalué par l’OMS car pour l’heure le bilan s’établit à 258 cas, dont 36 sont décédés. « La peste est endémique à Madagascar et elle ressurgit chaque année à cette saison. Mais cette fois-ci, l’île doit faire face à un risque de prolifération très élevé car la maladie se propage par voie aérienne et les villes sont touchées » explique le docteur Charlotte Ndiaye, représentante de l’OMS dans le pays.
La peste pulmonaire représente 60 % des cas observés. Ce qui est une situation tout à fait inhabituelle. Lors des épisodes précédents, la contamination se produisait principalement par des piqûres de puces porteuses du bacille Yersinia pestis présent chez les rats et donnant naissance à des bubons. D’où son nom de peste bubonique.
« Nous courons contre le temps », reconnaît Mme Ndiaye tout en insistant sur le fait que les médicaments sont disponibles, distribués gratuitement et qu’ils permettent de traiter efficacement la maladie. Dans quelques semaines, les pluies risquent de compliquer encore davantage l’accès à certaines parties de l’île.
Les troupes de l’OMS - une quarantaine de personnes - ont été envoyées dans les hôpitaux du pays où des unités d’accueil dotées de système de confinement ont été installées. Tous les centres de santé doivent recevoir des antibiotiques et des tests de dépistage rapide mis au point par l’Institut Pasteur de Madagascar. Jeudi à Antananarivo, une formation a été dispensée aux chefs des communautés villageoises afin qu’ils s’impliquent dans la prévention de l’épidémie.
1 000 volontaires de la Croix-Rouge
Des experts en communication « ayant tiré l’expérience d’Ebola » appuient le gouvernement pour éviter les messages contradictoires du début de la crise. « Nous utilisons tous les canaux pour faire passer le bon message », poursuit la représentante de l’OMS en déplorant que la gestion de l’épidémie puisse faire le lit de polémiques politiciennes.
Le gouvernement a accusé la municipalité d’Antananarivo d’être responsable de l’épidémie en n’assurant pas le service de ramassage des ordures. Or celle-ci est dirigée par Lalao Ravalomanana qui n’est autre que la femme de l’ex-chef de l’Etat, Marc Ravalomanana, et candidat au futur scrutin présidentiel de 2018. Ce dernier n’a pas tardé à répliquer et sur les réseaux sociaux, partisans des deux camps se déchaînent.
Loin de ces querelles, la Croix-Rouge malgache travaille sur le terrain à endiguer l’épidémie. Avec son millier de volontaires bénévoles, elle se concentre sur la prévention en ciblant au plus près les zones à risque. « Nous allons intervenir dans huit régions prioritaires (sur 22) en sensibilisant la population à la nécessité de nettoyer régulièrement à l’intérieur et aux abords des maisons. Des produits pour désinfecter seront distribués », explique Hanitra Radavidrason, chef des opérations de l’organisation.
Ces régions - Analamanga, Alaotra-Mangoro, Atsinanana, Boeny, Bongolava, Itasy, Haute Matsiatra et Vakinankaratra- couvrent une zone partant de Majunga sur la côte nord-ouest en passant par les Hautes Terres et Antananarivo jusqu’à Toamasina sur la côte est. Un système de veille sera aussi présent dans les régions pour l’instant épargnée par l’épidémie.
La Croix-Rouge se donne aussi pour mission de convaincre les familles de confier leurs morts aux services sanitaires pour limiter les risques de transmission. « C’est difficile. Les rites funéraires sont très importants et les familles veulent garder leurs morts. Elles ont aussi peur de la stigmatisation car la peste est considérée comme une maladie honteuse, signe d’une mauvaise propreté. »
De son côté, le gouvernement, après avoir ordonné la fermeture des écoles et de plusieurs universités pour procédér à leur désinfection, a décidé vendredi, d’interdire les visites dans les prisons dans deux régions. Air Seychelles a annoncé la suspension de ses vols vers Madagascar à partir de dimanche.