L’épineuse question du partage de la dette publique catalane
L’épineuse question du partage de la dette publique catalane
LE MONDE ECONOMIE
Troisième région la plus endettée d’Espagne, la Catalogne devrait aussi, en cas d’indépendance, reprendre une partie de la dette nationale espagnole.
Un drapeau catalan pavoise un balcon à Barcelone le 7 octobre. / Eric Gaillard / REUTERS
C’est l’un des sujets économiques les plus sensibles de l’indépendance. En cas de sécession, à quel montant s’élèverait la dette publique de la Catalogne ? « Les négociations entre Madrid et les séparatistes seraient tendues, car la Catalogne est la troisième région la plus endettée d’Espagne, avec une dette de 75,4 milliards d’euros, soit 35,2 % de son produit intérieur brut », détaille Eric Dor, économiste à l’école de management Iéseg.
Les indépendantistes considèrent que cette dette, en partie injuste, serait plus basse si le gouvernement avait ponctionné une part moins importante des recettes fiscales catalanes. A Madrid, on met plutôt en cause la mauvaise gestion du gouvernement régional. De son côté, l’agence de notation américaine S&P Global Ratings a, le 5 octobre, placé la note de la dette catalane, déjà en catégorie spéculative, sous surveillance négative. « Le sujet est d’autant plus délicat qu’en cas d’indépendance, la Catalogne devrait également reprendre à sa charge une partie de la dette publique nationale », rappelle Albert Banal-Estanol, professeur d’économie à l’université Pompeu Fabra, à Barcelone. Comment la répartir ?
L’Espagne aussi serait perdante
Si l’on se fie aux exemples historiques de partage des dettes, comme lors de la dislocation de l’Union soviétique, plusieurs méthodes sont possibles : en fonction du poids de la population, ce qui conduirait la dette catalane totale à 115 % du PIB, ou en fonction de la richesse, ce qui la mènerait à 134 % du PIB. Un poids difficile à supporter pour un nouvel Etat. « L’autre grande inconnue est de savoir quels investisseurs accepteraient de prêter au nouvel Etat catalan à l’avenir, et surtout, à quel prix », ajoute Alain Cuenca, économiste à l’université de Saragosse. Les coûts d’emprunt seraient mécaniquement plus élevés et contraindraient le gouvernement à la rigueur budgétaire.
Surtout, si la Catalogne est également obligée de sortir de la zone euro, elle serait exclue du programme de rachat de dette publique de la Banque centrale européenne (BCE), grâce auquel les Etats membres empruntent à des taux modérés depuis des mois. Et si la Catalogne adoptait sa propre monnaie ? La dette publique, elle, resterait libellée en euros. En cas de dévaluation de la nouvelle devise, la valeur de la dette s’envolerait.
L’Espagne serait, elle aussi, perdante. « Privée de la contribution fiscale de la Catalogne, elle verrait son déficit public grimper de 4 % à 7 % du PIB, tandis que son endettement augmenterait de 100 %, à près de 115 % du PIB », estime Stephen Brown, chez Capital Economics. Dans ces conditions, les taux d’emprunt se tendraient. Surtout en 2018, au moment où la BCE réduira le volume de ses rachats d’obligations publiques.