La première ministre britannique, Theresa May, arrive au 10 Downing Street, à Londres, le 9 octobre 2017. / TOBY MELVILLE / REUTERS

Où s’arrêteront les effets délétères du Brexit sur la vie politique britannique ? Theresa May, donnée politiquement moribonde par les médias au lendemain de son discours toussotant du congrès conservateur, semblait remise en selle, lundi 9 octobre, alors que débutait à Bruxelles la cinquième session des négociations sur la sortie de l’UE. Entre-temps, certains élus et responsables tories avaient sonné la curée. Après avoir pleurniché sur la toux et autres malheurs vécus par Mme May à la tribune de Manchester, ils ont spéculé sur sa durée de vie restante à Downing Street. Un jour ? Une semaine ? « Se débarrasser d’elle, c’est comme aller chez le dentiste, a dit un ministre anonyme au tabloïd The Sun. Vous ne cessez de repousser le rendez-vous parce que c’est douloureux. Mais vous finissez quand même par y aller. »

Puis il est apparu que les députés rebelles qui voulaient déboulonner Mme May n’étaient ni assez nombreux, ni d’accord sur une solution de remplacement. Une fois de plus, l’offensive déclenchée par les déclarations assassines de Boris Johnson, le ministre des affaires étrangères, semble avoir fait long feu. Non sans provoquer de gros dégâts : un parti en lambeaux, une première ministre déstabilisée à un moment crucial des discussions avec les Vingt-Sept. Mais le jeu de massacre n’est pas terminé.

Le « ras-le-bol » de Boris Johnson

A peine apaisé l’hallali sur la première ministre, la cible s’est déplacée sur les ministres qu’elle devait renvoyer. « Boris Johnson ! », réclamaient les pro-européens et certains proches de Mme May, bien conscients du caractère dévastateur pour elle des interventions de son incontrôlable Foreign Secretary. « Philip Hammond ! », rétorquaient les amis de M. Johnson, qui voient dans le ministre des finances, proche des milieux d’affaires, un traître au Brexit sous prétexte qu’il veut conserver le maximum d’accès au marché unique européen. Dimanche, l’ambiance de cours de récré saignante a atteint un tel degré de violence que Boris Johnson, dans un dernier geste incohérent, a affirmé en avoir « ras-le-bol » de ses propres amis et s’est désolidarisé de leurs appels guerriers prétendument lancés à son profit.

Que Mme May s’abstienne de faire sauter quelques têtes, et l’on y verra une preuve supplémentaire de sa faiblesse. Qu’elle décide un remaniement, et le gouvernement, déjà phagocyté par le Brexit, risque d’être déstabilisé davantage, et elle avec. Seul signe de réconfort pour une première ministre assiégée : près de 60 % des Britanniques souhaitent qu’elle reste au pouvoir jusqu’à la fin des négociations sur le Brexit, en mars 2019, selon un sondage du Telegraph. Sans doute certains ont-ils conscience de la quasi-impossibilité de la tâche, a fortiori pour une dirigeante d’un parti écartelé sur l’Europe. Sans doute sentent-ils que la chute de l’actuelle occupante de Downing Street aggraverait la crise et provoquerait les troisièmes élections législatives en trois ans. Au point où en est le paysage politique britannique, seule la flexibilité de l’UE dans les négociations sur le Brexit, en lui donnant une bouffée d’oxygène, peut encore sauver le soldat May. A moins que les Vingt-Sept préfèrent le leader travailliste, Jeremy Corbyn, pour interlocuteur.