Des seize Länder qui composent l’Allemagne, c’est le deuxième en termes de superficie, le quatrième par sa démographie. Mais cela ne suffit pas à expliquer l’intérêt que suscitent les élections régionales prévues dimanche 15 octobre en Basse-Saxe. Si celles-ci sont attendues avec une fébrilité particulière par les états-majors politiques, c’est d’abord pour une raison de calendrier : trois semaines après les législatives et trois jours avant le début des pourparlers entre les trois composantes de la coalition gouvernementale qu’Angela Merkel se propose de constituer (conservateurs, libéraux-démocrates et écologistes), le résultat de ce scrutin local pèsera lourd au plan national.

Que feront, dimanche, les 6,5 millions d’électeurs de Basse-Saxe ? Début septembre, les conservateurs de la CDU semblaient pouvoir l’emporter haut la main. Dans les intentions de vote, ils frisaient les 40 % des voix, loin devant les sociaux-démocrates du SPD, qui dépassaient tout juste les 30 %. Depuis, les courbes se sont inversées : une enquête de la chaîne ZDF, publiée jeudi 12 octobre, ne crédite plus la CDU que de 33 % des voix, soit 1,5 point de moins que le SPD. Si la tendance se confirme, la Basse-Saxe resterait dirigée par le SPD, ce qui aurait deux conséquences sur la vie politique nationale.

La première concernerait Martin Schulz. Depuis que l’ancien président du Parlement européen a été élu à la tête du SPD, en mars, son parti a perdu trois scrutins régionaux (Sarre, Schleswig-Holstein et Rhénanie-du-Nord-Westphalie) et obtenu son pire score à des législatives depuis la seconde guerre mondiale (20,5 %). Si les sociaux-démocrates l’emportent en Basse-Saxe, M. Schulz aurait des chances d’être reconduit à la présidence du SPD lors de son prochain congrès, qui aura lieu du 7 au 9 décembre. Dans le cas inverse, la partie sera plus difficile, même si aucun prétendant à sa succession ne s’est encore déclaré et bien que lui-même ait assuré au quotidien Bild, dimanche, qu’il entendait garder son poste « quel que soit le résultat des élections régionales ».

Doublement fragilisée

Toutefois, c’est pour Mme Merkel qu’une victoire du SPD en Basse-Saxe aurait les conséquences les plus lourdes. Plus encore que sa reconduction à la tête du pays pour un quatrième mandat, les commentateurs ont retenu deux choses des législatives du 24 septembre : le score décevant obtenu par sa famille politique (33 % des voix pour la CDU et ses alliés bavarois de la CSU) et le fait qu’environ 2,5 millions d’électeurs ayant voté pour la CDU-CSU aux législatives de 2013 se sont tournés vers les libéraux-démocrates du FDP ou le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD).

Dans ce contexte, une défaite de la CDU en Basse-Saxe fragiliserait doublement la chancelière. D’abord dans son camp, où les plus conservateurs s’estimeraient confortés dans leurs critiques contre sa politique à leurs yeux trop « centriste ». Mais aussi vis-à-vis du FDP et des Verts, qui se sentiraient en position de force pour négocier leur entrée dans son prochain gouvernement, alors que Mme Merkel les a conviés, le 18 octobre, à des « discussions exploratoires ».

S’il perd, dimanche, la tête de liste de la CDU en Basse-Saxe ne devrait d’ailleurs pas être le dernier à nourrir la fronde contre la chancelière. Officier de réserve de la Bundeswehr, l’armée allemande, Bernd Althusmann, aussi surnommé « Panzer », est plutôt du genre sanguin. Certes, il n’a jamais attaqué publiquement Mme Merkel. Mais ses déclarations en disent long sur le fond de sa pensée.

« Il y a eu des erreurs dans la politique à l’égard des réfugiés. Nous devons nous assurer que nos analyses correspondent à l’état d’esprit de la population », a-t-il confié à l’hebdomadaire Spiegel, mercredi, avant de s’agacer des récents propos du ministre de l’intérieur, Thomas de Maizière (CDU). Venu en Basse-Saxe en début de semaine, ce dernier s’est dit favorable à l’instauration d’un « jour férié musulman ». « J’estime que les débats sur les jours fériés religieux n’ont pas lieu d’être pendant une campagne électorale », lui a sèchement répondu M. Althusmann.

« Va-t-on gagner ? Je ne sais pas »

A l’approche du scrutin, l’inquiétude est palpable à la CDU. « Va-t-on gagner ? Je ne sais pas. Pour moi, c’est 50-50 », confie Christian Maier, un retraité venu assister, jeudi, à un meeting de Mme Merkel et M. Althusmann à Seevetal, entre Hanovre et Hambourg.

La baisse des conservateurs dans les sondages ? Pour Constance Stahlberg, une autre électrice de la CDU, la raison est simple. « C’est à cause de la politique à l’égard des réfugiés. Personnellement, je trouve que ce qu’a fait Merkel est super, mais plein de gens ne sont pas de cet avis. » Une analyse largement partagée par les sympathisants de la CDU. A l’instar de Lise Wolf, qui n’a pas convaincu son neveu de l’accompagner à Seevetal. « Je lui ai proposé de venir car il aime la politique. Mais il n’a pas voulu. D’habitude, il vote CDU, mais cette fois, il m’a dit que non, même s’il ne m’a pas dit ce qu’il allait faire. »

En attendant, Mme Merkel, elle, a décidé de s’impliquer à fond la campagne, en participant à pas moins de quatre réunions publiques, jeudi et vendredi, en Basse-Saxe. Fallait-il y voir un message subliminal ? Jeudi, après son départ de Seevetal, c’est sur l’air de I Will Survive (« Je survivrai »), de Gloria Gaynor, que se sont dispersés les participants au meeting de la chancelière.