Le renouveau du pansori, chant traditionnel de la Corée du Sud
Le renouveau du pansori, chant traditionnel de la Corée du Sud
Par Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance)
Sous l’impulsion de jeunes artistes, les récits chantés du pansori connaissent un nouveau souffle en Corée du Sud.
La chanteuse de pansori Song Bonggeum. / Jeonju Int'l Sori Festival
En Corée du Sud, le pansori, l’art du récit chanté, est synonyme de tradition. Son nom est tiré de pan, qui signifie « place » ou « lieu de rassemblement », et de sori, le « chant ». Inscrit au patrimoine culturel coréen en 1964 et à celui de l’Unesco en 2008, c’est l’un des éléments du folklore national, transmis oralement de génération en génération depuis son heure de gloire au XIXe siècle.
Présent lors des fêtes de village, ce chant de récits séculaires, accompagné d’un janggu, une percussion traditionnelle, n’a longtemps attiré qu’un public vieillissant. Mais il vit aujourd’hui une cure de jouvence : de jeunes interprètes le mêlent à des sonorités plus modernes ou s’en servent pour évoquer des thèmes actuels.
Interview de Song Bonggeum
Song Bonggeum - interview @Sori Festival 2017
Durée : 05:09
Ainsi du groupe Modern Pansori créé par la chanteuse Song Bonggeum, dont les compositions n’excluent pas les mélodies jazzy. « Le pansori est un moyen d’exprimer ses sensations. Chacun peut y ajouter ses sentiments pour l’enrichir », dit l’artiste. Ses textes évoquent notamment le refus des jeunes de se marier et d’avoir des enfants, et abordent parfois les questions politiques.
Renouveler le genre
Dans le morceau Cuillère d’or, Song Bonggeum utilise le pansori pour se moquer
des grandes familles qui dirigent les conglomérats sud-coréens ainsi que le système extrêmement hiérarchisé de la société. Prête à toutes les expérimentations, elle confie vouloir chanter avec des stars de la K-pop, la musique commerciale sud-coréenne, comme le boys band BTS.
Avec d’autres artistes de sa génération, comme Byun Jin-sub ou Yu Taepyungyang, Song Bonggeum s’efforce de donner un nouveau souffle au genre, en proposant souvent des performances plus concises que les versions traditionnelles, qui peuvent durer plusieurs heures. Si son public n’égale pas celui de la K-pop, la relève du pansori parvient à attirer des jeunes attachés à la tradition sans être pour autant disposés à écouter pendant des heures la psalmodie rocailleuse des conteurs.
Yu Taepyungyang, avec Daniel Zamir :
Daniel Zamir with Yu Tae pyung yang world music festival Seoul, korea 2015
Durée : 14:37
Song Bonggeum a commencé le pansori à 10 ans, malgré la réticence de ses parents. « Une amie jouait de l’ajaeng [sorte de cithare]. Elle était la star et j’étais un peu jalouse. Alors j’ai voulu chanter. » Le choix de cette musique était une évidence pour cette native de Jeonju, ville de la province du Jeolla du Nord (dans l’ouest du pays), l’un des bastions de cet art. « C’est naturel d’entrer en contact avec le pansori ici. »
Le Sori Festival, rendez-vous incontournable
Connue pour son quartier de maisons traditionnelles et son temple Gyeonggijeon, Jeonju entretient cet héritage à travers le Jeonju International Sori Festival, organisé à la fin du mois de septembre, tous les ans depuis 2001.
L’idée, explique le célèbre percussionniste Park Je-chun, responsable de la programmation, est « de secouer les bases de la tradition » en promouvant les expérimentations. « Nous essayons de trouver l’équilibre entre la tradition et l’adaptation aux goûts des jeunes », explique le directeur du festival, Kim Han.
Le pansori a ses stars comme Yoon Jin-chul. Fin septembre, au Festival Sori, ce dernier a ébloui le public avec une reprise du Jeokbyeokga, texte inspiré d’un passage de Sanguozhi yanyi (Les Trois Royaumes), de l’écrivain chinois du XIVe siècle Luo Guanzhong. Yoon Jin-chul y a côtoyé des jeunes conviés à des collaborations avec des groupes étrangers, comme la formation grecque En Chordais. Yu Taepyungyang s’est ainsi produit avec la formation française La Tit’Fanfare. Une tentative d’ouvrir toujours plus grand les frontières de la tradition.