L’engagement étudiant permet désormais de gagner des points
L’engagement étudiant permet désormais de gagner des points
Par Caroline Pain
Les établissements du supérieur ont maintenant l’obligation de reconnaître, de différentes façons, les compétences acquises hors cursus. Voici comment.
Emission radio sur le campus de l’université de Tours. / CC 2.0 / RADIO CAMPUS TOULOUSE
« Grâce à la radio, j’ai appris à écrire une chronique, faire des phrases intelligibles », raconte Selina Newstead-Bishop, étudiante à Rennes en licence information et communication. Des compétences apprises ailleurs qu’en cours, qu’elle peut désormais demander à comptabiliser.
La nouvelle loi « Egalité et citoyenneté » demande en effet aux établissements d’enseignement supérieur de créer un dispositif « garantissant la validation, pour l’obtention d’un diplôme, des compétences, connaissances et aptitudes acquises par leurs étudiants dans l’exercice d’activités associatives, sociales ou professionnelles », notamment en accordant une partie des crédits nécessaires pour valider son diplôme, précise un décret du 10 mai, complété d’une circulaire, publiée le 5 octobre. Le point sur ce dispositif, que certains établissements avaient d’ores et déjà mis en place.
- Quels « engagements » peuvent bénéficier d’une reconnaissance ?
Un étudiant peut faire valoir son engagement dans plusieurs cas. S’il est bénévole au sein d’une association, s’il travaille, s’il fait partie de la réserve militaire opérationnelle, s’il est sapeur-pompier volontaire, s’il est volontaire dans les armées ou à l’occasion d’un service civique. Autre condition : que les compétences et connaissances ainsi acquises « relèvent de celles attendues dans son cursus d’études ». A chaque université de fixer ses règles, dans les deux mois qui suivent la rentrée universitaire, précise le décret.
A l’université de Bordeaux, un dispositif existe depuis plusieurs années, mais il n’englobe pas tous les cas de figure, notamment ceux des étudiants membres de la réserve militaire opérationnelle ou des sapeurs-pompiers volontaires.
Par ailleurs, il reste à fixer les modalités d’évaluation des compétences acquises dans un emploi étudiant, indique Nicole Rascle, la vice-présidente chargée de la vie étudiante sur ce campus : « Ce n’est pas simple de savoir quelles compétences développe une étudiante qui travaille comme caissière… C’est plus simple quand un étudiant travaille sur le campus, à la bibliothèque par exemple. »
A Lyon-3, la décision sera prise « au cas par cas, explique Stéphane Pillet, vice-président chargé de la vie étudiante et de la formation. Ça me paraît compliqué de valoriser un travail étudiant en tant que caissière par exemple, si ça ne correspond pas vraiment au cursus ».
L’université de Lille-1 sciences et technologies a de son côté décidé, pour le moment, de ne proposer une telle reconnaissance « qu’aux étudiants de seconde année. Les L1 ont souvent beaucoup de choses à gérer la première année. Ce qui nous permet également de les informer à ce sujet, explique Cécile Cadet, vice-présidente déléguée à la vie étudiante. Nous exigeons par ailleurs que les étudiants aient déjà six mois d’expérience au sein de leur association. »
- Quel est le bénéfice pour l’étudiant ?
Selon la circulaire du 5 octobre, les étudiants peuvent bénéficier soit « de l’attribution d’éléments constitutifs d’une unité d’enseignement, soit de l’attribution de crédits ECTS [Système européen de transfert et d’accumulation de crédits], soit de l’attribution de point(s) “bonus” dans la moyenne générale, sur proposition du jury, ou enfin de la dispense de stage ou d’enseignement ». Ils peuvent aussi obtenir un aménagement d’emploi du temps afin de mener de front leur cursus et leur activité associative ou professionnelle.
A l’université de Bordeaux, l’unité d’enseignement Citoyenne, qui existait déjà, offre aux étudiants un bonus de trois crédits ECTS, qui peuvent augmenter leur moyenne mais ne sont pas pris en compte dans les soixante crédits nécessaires pour valider l’année.
A Lyon-3, une unité d’enseignement libre a été prévue pour les étudiants porteurs d’un projet associatif ou engagés dans ce milieu. « Cette UE est conçue pour se substituer à une autre du programme, rapporte Stéphane Pillet. Elle peut ainsi rapporter six crédits aux étudiants », crédits qui compteront pour l’obtention du diplôme.
Le gain n’est pas seulement immédiat, fait valoir Luce Raina, bénévole durant trois ans au sein du Génépi, groupe étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées. « Mon engagement m’a beaucoup appris, autant sur le monde carcéral que sur la gestion de responsabilités au sein d’une association », explique l’étudiante en master de droit pénal et criminologie à Reims. Et cette expérience a guidé le choix de son sujet de mémoire de master, sur la peine d’emprisonnement.
- Quand et comment formuler sa demande ?
La mise en œuvre de ce dispositif dans les DUT, les BTS, etc., et pour les formations de classes préparatoires aux grandes écoles fera l’objet d’une réglementation ultérieure. Au sein des universités, cela se fait à l’initiative des étudiants qui doivent en formuler la demande auprès de leur responsable de formation.
A l’université de Lille-1, « les étudiants devront remplir un contrat d’engagement citoyen [CEE]. Leur demande devra ensuite être validée par une commission qui siégera à chaque début de semestre, explique Cécile Cadet. Chaque étudiant aura un tuteur qui encadrera l’unité d’enseignement, vérifiera auprès de l’association en question que l’élève est bien actif et fera surtout le lien entre l’association et l’université. L’étudiant, quant à lui, devra faire un rapport et une soutenance en lien avec son engagement ».
L’université prévoit une campagne d’information afin que les étudiants intéressés se fassent connaître. Elle avait déjà mis en place des labels initiative et engagement auxquels une quarantaine d’étudiants – sur 20 000 – postulaient chaque année. Même enjeu à Bordeaux, où, « pour le moment, cinq étudiants se sont manifestés, mais cela s’explique aussi par le fait qu’on a très peu communiqué sur ce dispositif pour le moment », indique Nicole Rascle.
La plupart des universités s’attendent plutôt à ce que le dispositif prenne pleinement effet à partir du second semestre, une fois les étudiants informés.