Le pape François à Sumuleu Ciuc, samedi 1er juin. / INQUAM PHOTOS / REUTERS

Le sanctuaire marial roumain de Sumuleu Ciuc, en Transylvanie, est édifié sur un haut lieu de mémoire historique, qui rappelle à la fois une victoire contre les ottomans et le refus des habitants de la région de se voir imposer la Réforme, au XVIe siècle. C’est dans ce lieu à la forte charge identitaire, fréquenté d’abord par la minorité hongroise (1,2 million) de Roumanie et par des catholiques de Hongrie qui y viennent en pèlerinage, en plein cœur de la Transylvanie rattachée à la Roumanie en 1918, que le pape François s’est rendu pour appeler à « la coexistence fraternelle » et à l’ouverture entre communautés de différentes nationalités, religions, cultures, samedi 1er juin, au deuxième jour de sa visite en Roumanie. La confession catholique, a-t-il dit en substance, ne doit pas être conçue en opposition à d’autres et utilisée à des fins politiques.

Sous un épais brouillard et une pluie glaciale, 80 à 100 000 personnes, venues de Roumanie et de Hongrie, se sont rejointes, samedi matin, aux abords de la basilique, où était organisée une messe en plein air. Accrochée à flanc de colline, l’esplanade a rapidement pris des couleurs – vert, blanc, rouge – et des accents hongrois. Le président hongrois, Janos Ader, était présent, venu « en simple pèlerin », selon le terme du Saint-Siège, qui ne souhaitait pas politiser le rendez-vous. Après avoir envisagé de venir, le premier ministre Viktor Orba, en revanche, n’a finalement pas fait le déplacement. Le Vatican avait prévenu qu’en tout état de cause, il ne pourrait pas compter sur une rencontre avec le pape.

Homélie traduite en roumain et hongrois

Devant ces pèlerins dont certains nourrissent le sentiment d’être une minorité brimée en Roumanie (6,5 % de la population), le pontife a fait de son homélie un plaidoyer en faveur de l’ouverture sur les autres, de la coexistence et même du « mélange ». « Ce pèlerinage annuel, a-t-il dit, appartient à l’héritage de la Transylvanie, mais il honore en même temps les traditions religieuses roumaines et hongroises ; y participent aussi des fidèles d’autres confessions et il est un symbole de dialogue, d’unité et de fraternité. » Filant la métaphore de cette pratique religieuse, qui est une volonté de « marcher ensemble », il a ajouté qu’un « pèlerinage, c’est découvrir et transmettre l’esprit du vivre ensemble, ne pas avoir peur de nous mélanger, de nous rencontrer ».

Comme la veille, à Bucarest, le pontife argentin a vanté « un peuple dont les mille visages, cultures, langues et traditions sont la richesse ». « Les vicissitudes complexes et tristes du passé ne doivent pas être oubliées ou niées, mais elles ne peuvent pas constituer non plus un obstacle ou un argument pour empêcher une coexistence fraternelle », a-t-il dit. Son homélie, traduite en roumain et en hongrois, a été applaudie dans les deux versions.

Etape en Moldavie

Après la Transylvanie le matin, au prix d’un circuit gourmand en kilomètre – et en kérosène… – François s’est ensuite rendu, dans l’après-midi, à Iasi, capitale de la Moldavie roumaine. C’est l’autre région qui concentre des populations catholiques. Lorsqu’il avait été le premier pape à se rendre dans un pays à majorité orthodoxe depuis le schisme de 1054, Jean-Paul II n’avait pas été autorisé à sortir de Bucarest, en 1999. Il n’avait pu se rendre en Transylvanie et en Moldavie, la partie orthodoxe craignant que sa présence ne renforce symboliquement l’Église gréco-catholique, qui sortait alors tout juste de la répression communiste.

Comme il pendant tous ses voyages, une rencontre avec des jeunes et des familles avait été organisée pour François. Il a prolongé devant eux son message du matin en se félicitant de voir rassemblées des « Roumains de diverses régions et traditions, ainsi que de la Moldavie, et même ceux qui sont venus de l’autre bord de la rivière Prut, les fidèles de langue csango, polonaise et russe. (…) Chacun dans sa propre langue et sa propre tradition, mais heureux de se retrouver entre frères. »