Une hausse des dépenses sociales difficilement soutenable
Une hausse des dépenses sociales difficilement soutenable
Par Patrick Roger
Les dépenses sociales des départements ont progressé de 24,5 % entre 2010 et 2016. Elles sont la première cause de la dégradation de leur situation financière, selon un rapport de la Cour des comptes.
Entre 2010 et 2016, les dépenses sociales des départements (RSA, aide sociale à l’enfance, personnes âgées et personnes handicapées) ont crû de 24,5 %. Elles atteignent désormais 32 milliards d’euros et représentent plus de la moitié (55 %) de leurs dépenses de fonctionnement (65 % dans les outre-mer). Elles sont la première cause de la dégradation de la situation financière des départements, note la Cour des comptes dans son dernier rapport sur les finances publiques locales.
La part des dépenses sociales non compensées par des transferts financiers de l’Etat a augmenté beaucoup plus rapidement que les autres recettes des départements. Les dispositifs d’aide exceptionnelle mis en place et la possibilité accordée aux départements de relever le taux des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) n’ont pas suffi à y remédier. En 2015, les dépenses relatives aux trois allocations individuelles de solidarité (revenu de solidarité active, prestation de compensation du handicap et allocation personnalisée d’autonomie) s’élevaient à 17,5 milliards d’euros et les ressources destinées à les financer à 10 milliards, soit un taux de compensation de 57 %.
Ce taux présente en outre des écarts importants selon les départements. Dans sept départements (Moselle, Yonne, Vosges, Yvelines, Territoire de Belfort, Haut-Rhin, Seine-et-Marne), le montant des dépenses non compensées est supérieur de plus de 30 % à la moyenne. A l’inverse, il est inférieur de plus de 30 % dans sept autres (Corse-du-Sud, Haute-Corse, Bouches-du-Rhône, Martinique, Cantal, Corrèze, Paris).
« Trajectoire continue de dégradation »
Ainsi, de 2011 à 2015, la part des dépenses sociales restant à la charge des départements s’est alourdie de 3,1 milliards d’euros tandis que leurs recettes de fonctionnement n’augmentaient que de 1,8 milliard d’euros. Conséquence : les départements ont été amenés à infléchir leurs dépenses de fonctionnement dans les autres domaines de leurs compétences (voirie, collèges ou autres interventions en matière de sport, de culture ou de tourisme…).
Pour la Cour des comptes, « la question de la soutenabilité des dépenses sociales des départements reste posée ». « A moyen terme, la capacité des départements à faire face à la progression des charges afférentes à l’exercice de leurs compétences sociales tout en assurant leurs autres missions reste compromise », estime-t-elle. La Cour prévoit que les dépenses sociales vont continuer à augmenter en moyenne de 2 % par an entre 2016 et 2020, soit une croissance plus rapide que leurs recettes de fonctionnement.
Dans ces conditions, « la situation des départements suivrait une trajectoire continue de dégradation de leur équilibre financier ». La moitié d’entre eux auraient en 2020 un taux d’épargne inférieur à 8 %, alors qu’ils n’étaient que treize dans ce cas en 2016. A l’inverse, alors que quarante et un départements disposaient en 2016 d’un taux d’épargne supérieur à 12 %, seuls seize seraient encore dans cette situation en 2020.
De plus, les inégalités se cumulent en termes de recettes fiscales et de reste à charge. Certains départements ayant de lourdes charges de dépenses sociales sont aussi ceux dont les produits fiscaux sont les plus faibles. La Cour estime qu’il faudrait renforcer substantiellement la péréquation horizontale entre les départements, notamment sur les recettes de DMTO, afin de réduire ces inégalités de ressources et de charges.