Michael Bloomberg : « L’ère des villes ne fait que commencer »
Michael Bloomberg : « L’ère des villes ne fait que commencer »
Par Jessica Gourdon
L’ancien maire de New York veut aider, via sa fondation Bloomberg Philantropies, à la montée en puissance des villes. Celle-ci coorganise à Paris une conférence qui réunit des représentants de 138 villes du monde entier, jusqu’au mardi 24 octobre.
En pénétrant dans la majestueuse salle de bal de l’hôtel Intercontinental Opéra, à Paris, Anne Hidalgo a pris peur. « J’ai vu le grand trampoline et je me suis dit : on va me demander d’en faire, c’est encore un coup de Mike », lançait la maire de Paris, perchée sur ses talons aiguilles. « Mike », c’est l’Américain Michael Bloomberg, 75 ans, et selon Forbes le dixième homme le plus riche du Monde. Lundi 23 octobre, l’ancien maire de New York était de passage à Paris pour CityLab, la conférence organisée pendant trois jours par sa fondation, avec l’Institut Aspen et le magazine The Atlantic.
Heureusement pour Anne Hidalgo, le trampoline n’était que le support d’une performance artistique d’ouverture. Un ballet aérien exécuté par une compagnie d’acrobates censés en mettre plein la vue à l’assistance avant la prise de parole de Michael Bloomberg : « L’ère des villes ne fait que commencer, tout comme l’ère des réseaux de villes », a-t-il lancé au public. Parmi les participants à cette cinquième édition de CityLab, organisée pour la première fois à Paris, on trouvait des représentants de 138 villes, ainsi que 37 maires de métropoles (Paris, Tokyo, Auckland, Liverpool, Los Angeles, Bogota, Nashville, Le Cap, Milan…), venus écouter et partager de bonnes pratiques sur le changement climatique, l’accueil des réfugiés, la voiture autonome ou la lutte contre le terrorisme à l’échelle municipale.
Séminaires et concours entre villes
Au travers de sa fondation Bloomberg Philantropies, le milliardaire new-yorkais entend en effet se positionner comme un allié incontournable des réseaux de grandes métropoles - notamment le C40, qui se réunissait à Paris la veille. En quelques années, sa fondation est devenue un véritable partenaire privé des grandes villes : elle organise leur dialogue au travers de grands raouts annuels comme CityLab, finance des projets rassemblant des métropoles autour de thématiques communes, monte des séminaires avec Harvard pour former des maires et leurs équipes dirigeantes, lance des concours de projets entre villes de différents continents, joue le rôle d’intermédiaire avec des entreprises…
En juin, la fondation de M. Bloomberg a annoncé qu’elle allait attribuer 200 millions de dollars à des initiatives menées par des villes américaines dans les domaines de l’environnement, de la participation citoyenne ou de la santé publique. En France, la fondation Bloomberg a alloué en juillet 2017 un chèque de 1,4 million de dollars à La 27e Région, un think-tank qui forme des élus et produit des études sur les villes.
Selon l’ancien maire de New York, ce sont en effet les villes qui peuvent tester et innover à leur échelle, et trouver des solutions en partenariat avec le secteur privé, tout en en rendant compte de manière directe à leurs citoyens. « Sur la sécurité, l’emploi, l’éducation, les inégalités, les villes ont de nombreux leviers d’action », estime Michael Bloomberg, lors d’une interview accordée à cinq médias internationaux, dont Le Monde. « Les villes, c’est là où se joue le pouvoir. Ce sont elles qui ont vraiment les moyens de lutter contre le changement climatique. »
D’ailleurs, suite à l’annonce par Donald Trump du retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat, le milliardaire a lancé, en partenariat avec le gouverneur de Californie, un « plan climat » alternatif à destination des villes et des entreprises qui souhaitent s’engager dans cette direction. « Nous atteindrons les objectifs de la COP21 sans le gouvernement fédéral », prédit Michael Bloomberg.
Début octobre, l’ancien maire de New York a également annoncé un don de 64 millions de dollars pour financer diverses initiatives anticharbon aux Etats-Unis, à l’heure où Donald Trump souhaite relancer la filière.
« La culture attire le capital »
« Il ne s’agit pas d’usurper le pouvoir des gouvernements pour le donner aux villes », estime pourtant M. Bloomberg, qui a fait fortune en vendant des services d’informations financières et des terminaux pour salles de marché. Cette évolution ne serait que le reflet d’un nouveau rapport de force, avec des villes plus peuplées et puissantes. « De plus en plus de gens s’installent dans les villes, car c’est là qu’ils veulent habiter, et c’est là que le capital s’installe. La culture attire le capital. Et la culture, elle est dans les villes. D’ailleurs, pour revitaliser une ville en difficulté, amenez des jeunes et la culture, les gens vont suivre. Les yuppies vont suivre », déclare-t-il.
Le discours en faveur des villes de Michael Bloomberg a en tout cas résonné chez Anne Hidalgo. « Les grandes organisations, comme l’OCDE, viennent désormais chercher les villes, car ce sont des gouvernements à l’échelle humaine. Les maires des grandes villes sont connectés entre eux, et peuvent être efficaces face aux grands défis, comme le changement climatique ou la crise des réfugiés (…) Nous, les maires, nous avons la possibilité d’agir sur les problèmes globaux, de penser local et d’agir local, quitte à ce que cela aille perturber les actions gouvernementales », affirmait la maire de Paris, avant de quitter la scène. Sans pirouette sur le trampoline.