« Quand la prochaine génération nous demandera, “pourquoi n’avez-vous rien fait ?” que répondrons-nous ? » s’est demandé Jeff Flake. / Andrew Harnik / AP

Ces derniers jours, plusieurs figures du Parti républicain ne ménagent pas leurs critiques vis-à-vis de Donald Trump.

Jeudi 19 octobre, L’ancien président républicain George W. Bush s’est livré à un plaidoyer en faveur des valeurs démocratiques et de la mondialisation. Lundi 23 octobre, à Philadelphie, c’est John McCain, vétéran de la guerre du Vietnam et figure républicaine du Sénat, où il siège depuis 1986, qui s’est exprimé, s’en prenant à la tentation de « refuser l’obligation de leadership sur la scène internationale au nom d’un nationalisme bancal et fallacieux conçu par des gens qui préfèrent trouver des boucs émissaires que de résoudre les problèmes ».

« C’est étonnant. Malheureusement, les dirigeants internationaux savent parfaitement que ce qu’il dit est faux », a déclaré Bob Corker / J. Scott Applewhite / AP

Mardi 24 octobre, Bob Corker, le président de la commission des affaires étrangères au Sénat, qui vient d’annoncer qu’il ne briguera pas un troisième mandat dans le Tennessee lors des élections sénatoriales du 6 novembre 2018 – les élections de mi-mandat, les « midterm elections » –, et le sénateur Jeff Flake, élu de l’Arizona, se sont livrés à un baroud d’honneur.

« Problème avec la vérité »

Alors que la journée de mardi devait être placée sous le signe de l’unité au sein du Parti républicain, les élus s’en sont tous les deux pris à Donald Trump et au GOP. « Le président a un gros problème avec la vérité », a commenté Bob Corker – qui avait soutenu Donald Trump pendant la campagne – dans un entretien accordé à CNN au Capitole où le président devait rencontrer des sénateurs dans la journée pour parvenir à un consensus sur sa réforme de la fiscalité. « C’est étonnant. Malheureusement, les dirigeants internationaux savent parfaitement que ce qu’il dit est faux », a poursuivi le sénateur du Tennessee, spécialiste de politique étrangère et dont le soutien pourrait être déterminant pour l’adoption du projet de réforme fiscale.

Sur Twitter, Donald Trump avait commencé la journée en invectivant Bob Corker, qui est devenu, au cours des dernières semaines, l’un des élus républicains les plus critiques du locataire de la Maison Blanche, le traitant de « poids plume » et d’« incompétent ».

« Il n’est pas normal »

Puis, comme si la majorité ne tanguait pas suffisamment, Jeff Flake a annoncé qu’il renonçait à briguer un nouveau mandat, justifiant son départ par la politique délétère sous l’ère Trump, omettant de préciser que sa réélection en novembre 2018 était d’ores et déjà compromise. Déclarant refuser d’être « complice » d’un pouvoir qu’il considère indigne, Jeff Flake a décrit pendant dix-sept minutes le « danger pour la démocratie » que représente la présidence Trump.

« Nous ne devons jamais trouver normal l’affaiblissement de nos idéaux démocratiques », a déclaré le sénateur. « Les attaques personnelles, les menaces contre les principes, les libertés et les institutions, le mépris flagrant de la vérité et de la décence, les provocations dangereuses pour des raisons le plus souvent mesquines et personnelles. Nous devons arrêter de faire comme si le comportement de certains au sein du pouvoir exécutif était normal », a-t-il dit. « Il n’est pas normal », a martelé Jeff Flake, décrivant un comportement « dangereux, scandaleux et indigne ».

Puis il s’est interrogé sur les enfants américains grandissant dans la période actuelle. « Quand la prochaine génération nous demandera, “Pourquoi n’avez-vous rien fait ?”, que répondrons-nous ? » s’est-il demandé. « Le silence peut s’assimiler à de la complicité », a-t-il résumé. « J’ai des enfants et petits-enfants à qui rendre des comptes. »

« Je ne serai ni complice ni silencieux », a conclu le sénateur. « J’ai décidé que je serai plus à même de représenter les habitants de l’Arizona et de servir mon pays et ma conscience en me libérant des considérations politiques (…) qui me forceraient à bien trop de compromissions sur les principes. »

L’élu de l’Arizona a aussi critiqué la complicité du GOP, dévoré par une vague de « colère et de ressentiment », et où il estime n’avoir plus sa place en tant que républicain pro-immigration et attaché au libéralisme économique.

Dos rond

En rompant avec Donald Trump au nom des principes, John McCain, Bob Corker et Jeff Flake font pression sur leurs collègues, qui jusqu’à présent ont préféré faire le dos rond face aux excès présidentiels et rester ostensiblement concentrés sur le fond des réformes.

Les voix dissonantes au sein du GOP se comptent sur les doigts d’une main : Donald Trump reste soutenu par 49 des 52 élus républicains au Sénat et par la totalité des 239 élus GOP à la Chambre des représentants. Et, selon Gallup, 80 % des électeurs républicains le soutiennent.

Depuis la Maison Blanche, la porte-parole Sarah Sanders a d’ailleurs répondu aux critiques :

« Les habitants de ce pays n’ont pas élu quelqu’un de faible, ils ont voulu quelqu’un qui soit fort et qui, quand il est frappé, va répondre. »

Mardi, Sean Hannity, journaliste de Fox News, s’est pour sa part livré à une attaque en règles contre des élus républicains – Mitch McConnell, Ben Sasse, John Cornyn, Lisa Murkowski et Susan Collins – jugés trop tièdes dans leur soutien à Donald Trump.

Mais l’atmosphère est loin d’être apaisée alors que s’ouvre le chantier le plus crucial de la fin d’année : la réforme de la fiscalité. Après l’échec de l’abrogation de la réforme de la couverture-maladie de Barack Obama, les républicains n’ont pas le droit à l’erreur. Ils contrôlent les deux chambres du Congrès mais n’ont qu’une courte majorité de 52 sièges sur 100 au Sénat.

Pour y parvenir, les chefs du Congrès tentent de faire abstraction des accrochages. « Tout ce que vous voyez tous les jours sur Twitter, faut pas y penser », a lâché Paul Ryan, président de la Chambre. « Je ne sais pas combien de fois je dois me répéter, il y a beaucoup de bruit de fond, (…) dans ce pays tout le monde a le droit de s’exprimer », a commenté sèchement Mitch McConnell, l’homme fort du Sénat.