Ksenia Sobtchak, candidate « nineties » à la présidentielle russe
Ksenia Sobtchak, candidate « nineties » à la présidentielle russe
Par Isabelle Mandraud (Moscou, correspondante)
La fille de l’ancien maire de Saint-Pétersbourg, qui a appelé à ses côtés l’ancien conseiller pour la campagne de Boris Eltsine en 1996, doit encore réunir les signatures.
Ksenia Sobchak, à la télévision à Moscou, mardi 24 octobre. / Sergey Vedyashkin / AP
Ksenia Sobtchak n’est pas seulement une journaliste un peu « bling-bling », ni même la fille de son père, Anatoli Sobtchak, premier maire élu à Saint-Pétersbourg et ancien mentor politique de Vladimir Poutine ; elle est aussi, et surtout, la représentante des années 1990, celle d’une génération qui a grandi après la chute de l’URSS, synonyme d’enrichissement pour les uns, de descente aux enfers pour les autres.
En confirmant, mardi 24 octobre, son intention de se présenter à l’élection présidentielle de mars 2018, Ksenia Sobtchak, qui fêtera dans quelques jours ses 36 ans, n’ignore pas qu’elle entre, aux yeux d’une majorité de Russes, dans la première catégorie. Un obstacle qu’elle a bravement franchi, seule sur la petite scène d’un théâtre moscovite où s’est entassée une foule de journalistes. Interpellée sur le salaire moyen en Russie, elle a donné la bonne réponse, « 35 000 roubles » (moins de 500 euros) avant de retourner la balle : « parce que je suis riche, je ne pourrai pas me présenter ? C’est une logique qui nous a déjà amenés à la catastrophe. Le plus important est que les pauvres deviennent plus riches. »
Aucun reproche contre l’homme, mais contre la politique de Poutine
Ksenia Sobtchak, ex-vedette d’une émission de télé-réalité avant d’en être écartée, assume encore son côté « nineties », lorsqu’elle présente son directeur de campagne, Igor Malachenko, l’un des fondateurs de la première chaîne de télévision privée NTV, reprise en mains depuis par le Kremlin, qui mena la campagne électorale de Boris Eltsine en 1996. Sous sa direction, le slogan alors adopté « Vote ou tu perds », emprunté à la campagne de Bill Clinton « Choose or Loose » de 1992, reste encore aujourd’hui l’une des formules mémorables de l’époque.
Mais Ksenia Sobtchak était surtout attendue sur sa critique des années Poutine. « Personnellement, je n’insulterai Poutine, a-t-elle répondu. Pour certains, c’est un tyran et un dictateur, pour d’autres il a redressé la Russie. Pour moi, Poutine est celui qui a aidé mon père à un moment difficile et qui lui a pratiquement sauvé la vie, je me souviens de cela ». À la fin des années 1990, en effet, alors que le climat devenait de plus en plus délétère à Saint-Pétersbourg, Sobtchak père, accusé de corruption, avait dû quitter son fauteuil de maire. Victime d’un accident cardiaque, il était ensuite parti pour Paris dans un avion sanitaire affrété par Vladimir Poutine.
« Mais comme personne politique, a enchaîné la jeune femme, il y a beaucoup de choses que Poutine fait et qui ne me plaisent pas. Je suis contre ce système de corruption qui a vu le jour pendant toutes ces années, contre le fait que Poutine reste au pouvoir pendant dix-huit ans ». « Je veux casser ce spectacle, a-t-elle poursuivi. Le fait que nous n’avons pas de réelles élections, c’est le résultat de ces 18 ans, et qu’il n’y a pas de justice indépendante, c’est aussi le résultat de ces 18 ans. »
Elle se désistera si Alexei Navalny peut se présenter
La candidate, qui doit encore réunir les signatures nécessaires, a également joint à ses critiques le conflit avec l’Ukraine et l’annexion de la Crimée. « Du point de vue du droit international, la Crimée est ukrainienne, point. Nous avons violé notre parole, violé le mémorandum de Budapest de 1994. » Dans ce document, conclu peu après la chute de l’URSS, l’Ukraine avait accepté de se défaire du stock d’armement nucléaire hérité de l’époque soviétique, en échange de garanties sur sa sécurité et son indépendance.
Ksenia Sobtchak, qui a affirmé vouloir ouvrir des QG de campagne « dans les grandes villes », avance sans réel programme, à part celui de vouloir rassembler les voix des mécontents sous l’étiquette « contre tous ». Sans précisions non plus sur le financement de sa campagne, autre que la promesse « nous ne prendrons jamais l’argent du Kremlin », et l’engagement, assez flou, de « businessmen qui veulent changer les choses ».
Elle a enfin redit, comme elle l’avait à l’annonce de sa candidature quelques jours auparavant, qu’elle se retirerait si d’aventure le principal opposant, Alexei Navalny, était déclaré apte à concourir à l’élection présidentielle. Ce qui paraît toujours hautement probable, bien que ce dernier poursuive sa campagne sur le terrain, dans plusieurs villes de Russie. A part lui, Mikhaïl Khodorkovski, autre opposant exilé à Londres, a annoncé mardi, vouloir ne soutenir personne d’autre.