La force tranquille de « l’oncle Xi »
La force tranquille de « l’oncle Xi »
Editorial. Le 19e congrès du Parti communiste chinois, qui s’est achevé le 24 octobre, marque une date : le président Xi Jinping érige la Chine en géant économique, stratégique et idéologique.
Le président chinois Xi Jinping debout avec les cadres du PCC lors de la cérémonie de clôture du 19e congrès du parti, le 24 octobre. / Andy Wong/AP
Editorial du « Monde ». L’apparat et la pompe kitschissimes du 19e congrès du Parti communiste chinois (PCC), qui s’est achevé cette semaine à Pékin, ont un sens. La consécration du président Xi Jinping, dont le mandat à la tête du parti est renouvelé – son mandat présidentiel le sera en mars 2018 –, a aussi un sens. L’intégration de la « pensée Xi Jinping » dans la charte du parti également. Il faut dépasser ce qu’un regard européen, occidental, peut y voir de folklorique.
Dans sa pompe figée et un tantinet désuète, ce congrès marque une date : la Chine s’assume en grande puissance de l’époque – à l’égale de l’Occident. Elle s’installe en géant économique, mais aussi stratégique et peut-être idéologique. Elle veut sa place dans le concert des Grands, le tout premier rang. Voilà ce qu’il faut retenir de cette semaine d’interminables discours et de conciliabules dans les salons du Palais du peuple, place Tiananmen, à Pékin.
Au terme de son premier mandat, Xi Jinping, 64 ans, entend incarner ce phénomène-clé du XXIe siècle : le renouveau chinois. Il affiche la force de son pays. Il sera l’homme de ce qu’il appelle « la renaissance chinoise », le retour de la Chine à la place qui était naturellement la sienne, l’empire du Milieu, et qu’un siècle d’humiliation – depuis la première guerre de l’opium jusqu’à la fondation de la République populaire de Chine en 1949 – due à ses propres erreurs, au colonialisme européen et aux agressions du Japon lui avait fait perdre.
La Chine n’est plus l’atelier du monde
Fini les manières de timidité, cette façon prudente d’aborder la scène mondiale qui fut celle de Pékin depuis les grandes réformes économiques des années 1970. La Chine de Xi Jinping déborde de confiance en elle. Il faut prendre la mesure de sa puissance économique et technologique. Il faut comprendre qu’elle n’est plus l’atelier du monde – usine textile, fabricant de jouets et chaîne de montage électronique –, mais qu’elle figure à la pointe de la nouvelle économie.
Elle s’est fixé d’être, d’ici vingt-cinq ans, la rivale des Occidentaux dans cinq ou six des domaines-clés de l’économie du futur : intelligence artificielle, robotique, énergies renouvelables, biotechnologies, etc. Elle est en passe de devenir une grande puissance scientifique. Elle « diplôme » chaque année, par centaines de milliers, des ingénieurs, des informaticiens, des gestionnaires, des chercheurs, des architectes, des médecins – toute la gamme des métiers qui, il n’y a pas si longtemps encore, étaient le quasi-monopople des Américains, des Européens et des Japonais. Ce monopole n’est plus, on ne le dit pas assez.
Sa puissance économique et financière, la Chine la met au service d’un expansionnisme stratégique, dont son projet des « nouvelles routes de la soie » n’est que l’un des aspects. Au travers d’un maillage d’investissements en infrastructures continentales en Eurasie, et maritimes, notamment dans l’Océan indien, Pékin étend son influence. Son budget militaire est en progression constante. Ce n’est pas seulement une puissance asiatique qui s’exprime, c’est une puissance mondiale.
Pernicieuses « influences occidentales »
Xi Jinping jure que l’instrument du redressement a été le PCC (quid du talent, du courage et de l’intelligence des Chinois ?). La transformation de l’économie se fera sous l’impulsion du PCC, qui assurera plus que jamais un contrôle social serré sur la population, interdira toute forme de dissidence intellectuelle, politique et artistique. La dictature est-elle compatible avec le type d’économie que veut devenir la Chine ?
Xi Jinping mène une guerre idéologique constante contre les pernicieuses « influences occidentales ». Plus encore, il se départ du refus de tout prosélytisme politique, qui fut longtemps la marque de Pékin ces quarante dernières années. Il pose le modèle chinois en exemple pour d’autres pays qui, en Afrique ou en Asie, souhaiteraient « accélérer leur modernisation ». Avec ce 19e congrès, Pékin se veut le rival idéologique de l’Occident.
Bien sûr, le tableau doit être pondéré par nombre de points noirs, parfois très noirs, qui sont autant de failles et de faiblesses de la Chine d’aujourd’hui. Rien n’est jamais garanti. Mais ce qu’a révélé ce congrès, c’est autre chose : le poids de la Chine dans notre monde.