À Singapour, le tennis féminin se cherche une patronne
À Singapour, le tennis féminin se cherche une patronne
Par Corentin Lesueur
Les huit meilleures joueuses du monde s’affrontent jusqu’au 29 octobre à Singapour, avec en ligne de mire la place de première mondiale.
Simona Halep devra batailler à Singapour pour conserver sa première place mondiale. / JEREMY LEE / REUTERS
Deviner le classement de la WTA au lendemain du Masters, organisé cette semaine à Singapour, prend des allures de casse-tête chinois. Point d’orgue de la fin de saison, sept d’entre elles lorgnaient encore la première place mondiale, occupée depuis le début du mois d’octobre par Simona Halep.
Seule la Française Caroline Garcia, qualifiée au prix d’une tournée asiatique presque parfaite (une défaite en quatorze matchs), ne peut plus espérer quitter la cité-Etat dans la peau de la numéro un mondial du tennis féminin.
Difficile pour autant d’accoler l’étiquette de « meilleure joueuse du monde » à celle qui ravira la première place lundi 30 octobre, quelle que soit l’issue du Masters. Les fins de saison prématurées (Serena Williams, Victoria Azarenka), retours trop tardifs (Sloane Stephens, Maria Sharapova) et autres méformes (Angelique Kerber) n’offrent aux spectateurs singapouriens qu’un tableau parcellaire de ce qui se fait de mieux sur le circuit féminin.
« Il y a Serena Williams et les autres »
Sans têtes d’affiche ni véritable favorite, le tournoi clôt une saison amputée de ses meilleurs éléments, rythmée par les surprises sans lendemain et les performances éphémères. Cinq joueuses (Williams, Kerber, Pliskova, Muguruza, Halep) se sont succédées au sommet de la hiérarchie mondiale cette année. Un record depuis l’instauration du classement de la WTA, en 1975.
« Il n’y a pas de patronne aujourd’hui, observe Patrick Mouratoglou, coach de Serena Williams. Personne n’a su profiter de l’absence conjointe de Sharapova, Williams et Azarenka. La place était vacante cette année, elle risque de ne plus l’être au cours des prochaines saisons [avec le retour programmé des trois joueuses]. »
L’entraîneur français refuse de voir cependant la moindre régression dans le jeu de chaises musicales du top dix. Le niveau général du circuit se serait au contraire densifié au cours de la dernière décennie : « Les filles servent mieux et sont bien plus physiques. Avec la hausse du prize money [dotations], elles sont définitivement entrées dans l’ère du professionnalisme. Les surfaces, plus lentes, leur imposent d’être complètes. Les joueuses s’entourent toutes désormais d’un staff et leur préparation n’a plus rien à envier à celle des hommes. »
Privé de joueuses charismatiques en mesure de contrarier l’hégémonie de Serena Williams, le circuit WTA peine à faire émerger de nouvelles championnes capables de remplir les courts sur leur seul nom. En l’absence de l’Américaine et de Maria Sharapova, le Masters de Singapour pâtit d’un manque d’icône par tous identifiable, polarisant médias, fans et sponsors. « Une jeune joueuse à l’étoffe de numéro 1 ? s’interroge Patrick Mouratoglou. Ça ne crève pas les yeux. Peut-être Muguruza. Solide sur le plan athlétique, elle s’est renforcée dans la tête cette année. »
Caroline Garcia est la première Française directement qualifiée pour le Masters depuis Amélie Mauresmo, en 2006. / JEREMY LEE / REUTERS
Pour Lionel Maltese, économiste et membre du comité exécutif de la fédération française (FFT), le tennis féminin souffre d’un « phénomène d’ombrage » : « Les joueuses ne parviennent pas à prendre le relais de générations énormes, emmenées par les Everts, Navratilova, Graff, Seles, Hingis ou plus récemment Hénin, Clijsters, Sharapova et Williams. Aujourd’hui, il y a l’Américaine [Serena Williams] et les autres. »
Le pari réussi de Caroline Garcia
À l’opposé, les tableaux messieurs surfent depuis plus de dix ans sur la popularité de quelques joueurs déjà entrés dans la postérité (Federer, Nadal, Djokovic), dont les joutes déplacent les foules. « Les plus grands sportifs se sont tous construits sur des rivalités mythiques, analyse Lionel Maltese. Federer ne serait jamais devenu ce qu’il est sans ses confrontations avec Nadal et Djokovic. Il n’y a plus ces duels, ces confrontations de style, chez les femmes. »
La pénurie de terreurs du circuit trustant les tournois majeurs offre à une pléiade de jeunes joueuses l’occasion d’inscrire quelques lignes à leur palmarès. Refusant les appels du pied de l’équipe de France pour se consacrer uniquement à sa carrière individuelle, Caroline Garcia a ainsi remporté deux titres prestigieux en septembre.
À Wuhan puis Pékin, en Chine, la Française s’est adjugé deux tournois « Premier », l’équivalent féminin des Masters 1000, écartant plusieurs membres du top dix. Cette série lui a permis d’arracher le huitième et dernier ticket qualificatif pour le Masters de Singapour. Une première pour une tricolore depuis Amélie Mauresmo, en 2006 (première remplaçante en 2007 et 2011, Marion Bartoli avait profité de plusieurs abandons pour intégrer le tableau en cours de semaine).
Lancée sur les traces de son aînée et ancienne capitaine de Fed Cup, l’objectif de la Lyonnaise sera désormais de s’illustrer dans les tournois du Grand Chelem. Et viser la première place mondiale ? Avant de prétendre éventuellement au trône du tennis féminin, Caroline Garcia tentera de se qualifier pour les demi-finales du Masters de Singapour, vendredi 27 octobre, face à Carolina Wozniacki.