Christophe Rocancourt, mythomane arnaqueur
Christophe Rocancourt, mythomane arnaqueur
Par Alain Beuve-Méry
Dans le documentaire « Imposture(s) la genèse » consacré à l’escroc Christophe Rocancourt, qu’a vu le journaliste Alain Beuve-Méry sur Canal+ , le réalisateur Olivier Mégaton cerne au plus près les ressorts de la mythomanie.
Replay. Il faut imaginer, heureuses, les victimes de Christophe Rocancourt. Être dupe, se laisser duper et aimer se faire duper, ce sont les trois temps adoptés par toutes les personnes grugées depuis trente ans par celui qui est improprement surnommé « l’escroc des stars », car la liste de ses proies est à la fois plus extensive et plus restreinte.
« On ne peut pas escroquer quelqu’un de profondément honnête », assure Christophe Rocancourt, dans les cinq premières minutes du documentaire en deux volets que lui consacre Olivier Megaton, dont la première partie « Imposture(s) la genèse », était diffusé mercredi soir sur Canal+.
Cette phrase peut être considérée comme le fil rouge de sa conduite, quand il s’est extirpé de sa douloureuse Normandie pour vivre ses rêves à Paris, à l’âge de 17 ans, en 1984. Côté face, l’homme a brassé et détourné de l’argent, sur les deux rives de l’Atlantique, à hauteur de dizaines de millions. Il a subjugué des stars (Mickey Rourke, Jermaine Jackson, Michel Polnareff, Thomas Langmann, Catherine Breillat, Christian Prouteau, etc.) et des anonymes. Côté pile, il a déjà passé douze années en prison.
La vie de Christophe Rocancourt, c’est l’inverse de l’itinéraire d’un enfant gâté. Elle ressemble plus à celle que raconte Steven Spielberg dans le film Attrape moi si tu peux (2003), inspiré de la vie d’un autre escroc séducteur et mythomane : Frank Abagnale.
Enfant triste
Mais les nombreuses victimes de Christophe Rocancourt sont aussi amères et douloureuses. L’aventurier « s’insinue dans la brèche », possède « un don pour cerner la faille » de la personne qu’il a en face de lui. Ses proies sont aussi bien des inconnus que des intimes, comme sa sœur ou ses amis.
À cet enfant triste, marqué par l’abandon de sa mère, son institutrice aurait volontiers donné « un prix d’observation et de curiosité ». La matrice de son caractère est sans doute là. Il donne aux autres ce qu’ils ont envie d’avoir. Mais au passage, il les vide de leurs biens ou de leurs sentiments.
Le réalisateur Olivier Mégaton ne juge jamais son personnage. Au contraire, il multiplie les points de vue et témoignages, même si la liste de ceux qui ont refusé de parler est aussi éloquente. De son côté, Christophe Rocancourt se prête au jeu. Il est interviewé dans trois lieux hautement symboliques : une église, une cellule et une salle de jeux. Surprise, ses réponses varient suivant les endroits.
Entre vérité et mensonge, le spectateur est baladé en permanence. Devant nos yeux, ce sont tous les ressorts de la mythomanie qui sont mis en lumière. Si la toxicité du personnage apparaît manifeste, sa personnalité demeure opaque, mystérieuse. À la question : qui est vraiment Christophe Rocancourt ? les idées fusent, mais aucune ne se détache.