Le général Gilbert Diendéré (d), accompagné du chef d’état-major de l’armée, le général Pingrenoma Zagré (g), le 23 septembre 2015, durant la tentative de coup d’Etat. / AHMED OUOBA AFP

Depuis le 25 octobre, c’est une partition à huis clos qui se joue à l’intérieur du tribunal militaire de Ouagadougou. Les convois de détenus entrent et sortent, mais les portes de l’institution chargée d’instruire le dossier sur le putsch manqué de septembre 2015 sont bien gardées. Ce vendredi 27 octobre, c’est le principal accusé qui est passé à la barre : le général Gilbert Diendéré, chef de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP), la garde rapprochée de l’ancien président Blaise Compaoré.

Le général, qui a assumé le coup d’Etat manqué du 16 septembre 2015, est resté trois heures à la barre. A midi, un de ses avocats, Mathieu Somé, sort pour faire savoir qu’il a demandé l’annulation de la procédure : « Il y a violation des droits de la défense, depuis le début », affirme-t-il. Motif : le refus du juge d’instruction de voir se constituer des avocats étrangers, une disposition pourtant prévue par le Code pénal du Burkina Faso.

Disparition de pièces ?

Autre argument mis en avant par Me Somé : la perquisition et l’expertise des pièces perquisitionnées au domicile de Gilbert Diendéré, qu’il estime illégales. La perquisition aurait été faite en l’absence du général et les pièces récupérées ne lui auraient pas été présentées pour authentification.

« Nous avons fait constater au juge d’instruction qu’il y a deux scellés qui ne nous appartiennent pas. Ce sont des éléments extérieurs », assure l’avocat, qui évoque, en plus, des disparitions d’objets portés par son client au moment de son arrestation : « La puce de son téléphone principal a disparu. C’est sur ce téléphone qu’il semblerait que Nion [l’adjudant Jean Florent Akowé Nion, membre de l’ex-RSP également inculpé] a envoyé un SMS, qui aurait déclenché tout ça. Pourquoi cette puce a-t-elle disparu ? Et il y a bien d’autres choses qui ont disparu au cours de l’enquête… »

Dans cette enquête, bouclée fin juillet par le juge d’instruction François Yaméogo, les mystères demeurent. Il faudra, selon Me Somé, attendre la semaine prochaine pour que la chambre de contrôle statue sur la nullité ou non de la procédure.

La chambre de contrôle devra aussi trancher sur une autre demande formulée par le général Diendéré : l’inculpation d’« une dizaine de chefs militaires », « à commencer par l’ancien chef d’état-major, Pingrenoma Zagré ». « Le général l’a toujours expliqué, il avait le soutien de l’armée, donc il a demandé que les chefs soient inculpés », précise Me Somé.

107 inculpés

Pour l’heure, les 107 inculpés dans ce dossier sensible devront patienter pour savoir si les charges retenues contre eux sont confirmées. La plupart sont accusés d’« attentat à la sûreté de l’Etat », d’« association de malfaiteurs », de « révolte », de « trahison » et de « crime contre l’humanité ». Mais la chambre de contrôle a estimé le 25 octobre, date de l’ouverture des audiences de confirmation des charges, que les inculpés devaient passer individuellement à la barre et non collectivement.

Une décision contestée par plusieurs avocats de la défense, dont Me Larousse Ollo Hien : « C’est une violation des droits de la défense, car il s’agit d’un seul et même dossier ! Lors d’une audience, il peut ressortir des pièces qui ont été données par un autre inculpé, or cet inculpé ne peut pas être dans la salle pour confirmer ou non les éléments. Cela veut dire qu’on ne peut pas faire de confrontation, et donc que le débat n’est pas du tout équitable. »

Le général Diendéré était le 19e sur 107 à passer à la barre. Inculpé d’« attentat à la sûreté de l’Etat, trahison, crime contre l’humanité, acte de terrorisme et complicité de dégradation de biens », il risque la peine de mort, bien qu’elle ne soit plus appliquée au Burkina Faso depuis la fin des années 1980. Mais ces charges n’ont pas encore été confirmées.

Aussi ses avocats se concentrent-ils actuellement sur un point : la mise en liberté d’office du général, dont ils ont formulé la demande. Selon eux, le mandat de dépôt de Gilbert Diendéré permettant son incarcération à la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA) n’a pas été renouvelé. Et Me Somé de conclure : « C’est une détention illégale, il faut avoir le courage de le dire. Mettez-le en liberté ! »