« Biens mal acquis » : le combat pour rendre aux Equato-Guinéens les millions détournés
« Biens mal acquis » : le combat pour rendre aux Equato-Guinéens les millions détournés
Par Jeanne Cavelier
Immobilier, voitures de luxe, œuvres d’art, bijoux, grands crus… le vice-président a dépensé en France des centaines de millions d’euros de fonds publics de son pays.
Le fils du président de Guinée équatoriale, Teodorin Obiang, arrive, pour son anniversaire, à la cathédrale de Malabo, capitale du pays, le 25 juin 2013. / JEROME LEROY / AFP
Teodorin Obiang a dépensé en France des centaines de millions d’euros de fonds publics de la Guinée équatoriale. Jugé à Paris, le vice-président de ce petit pays d’Afrique centrale a été condamné vendredi 27 octobre à trois ans de prison et 30 millions d’euros d’amende avec sursis.
« C’est un jugement historique : pour la première fois au niveau mondial, un dirigeant d’un pays étranger qui a blanchi de l’argent dans un autre pays est condamné », estime le président de Transparency France, Marc-André Feffer, partie civile dans le procès avec l’association Sherpa. L’ONG plaide pour restituer à la population ces « biens mal acquis ». « C’est ce que prévoit la convention des Nations unies contre la corruption » (article 57.3.c), rappelle-t-il.
Coupable de blanchiment d’abus de biens sociaux, de détournements de fonds publics, d’abus de confiance et de corruption, le « petit prince de Malabo » était absent à son procès, ouvert le 19 juin. Le flambeur de 48 ans refuse de s’expliquer sur les sommes astronomiques qu’il a dépensées entre 2005 et 2011. Son hôtel particulier, de plus de 4 000 mètres carrés, avenue Foch, à Paris, évalué à 107 millions d’euros, lui a été confisqué, de même que des œuvres d’art, estimées pour environ 18 millions d’euros, et des voitures d’une valeur d’environ 7 millions d’euros.
Les petits voyages de Teodorin Obiang
Durée : 03:24
Des programmes de développement
Or, 60 % des Equato-Guinéens vivent avec moins de 1 dollar par jour. Problème : le droit français ne garantit pas l’affectation des fonds confisqués aux victimes, c’est-à-dire aux citoyens spoliés. Si la loi ne change pas, la propriété des biens mal acquis sera simplement transférée à l’Etat français, sans affectation particulière.
M. Feffer présentera le 23 novembre, lors d’un colloque à l’Assemblée nationale, une proposition de Transparency International, fondée sur quatre principes :
« D’abord, les sommes saisies devraient être déposées sur un compte spécial, et non au budget général de l’Etat français. Ensuite, il faudrait les affecter à des programmes de développement en faveur des populations, dans ce cas en Guinée équatoriale – campagne de vaccination, routes, lits d’hôpitaux… Ces programmes doivent être déterminés en liaison avec des ONG françaises et équato-guinéennes et des représentants de la société civile. Ceux-ci devraient enfin faire l’objet d’un contrôle très rigoureux, avec obligation de transparence dans l’emploi des fonds. »
Proposition de loi
Ce système s’inspire largement d’une loi votée en Suisse en 2015, selon le président de Transparency France. La mise en œuvre du dispositif, sous la responsabilité de l’Etat français, pourrait passer par une fondation ou une ONG spécialement mandatée, par exemple. « Honnêtement, je vois mal comment l’Etat français pourrait s’y opposer », ajoute avec optimisme M. Feffer.
Transparency International espère faire adopter une loi en ce sens d’ici à la fin du procès des « biens mal acquis ». Teodorin Obiang pourrait, en effet, épuiser toutes les voies de recours. Pour Marc-André Feffer, « ce jugement est une première étape franchie dans un combat au long cours ». La justice française enquête également sur les patrimoines édifiés en France par les familles kleptocrates au pouvoir au Congo-Brazzaville, au Gabon ou encore en Centrafrique.
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