En Australie, la binationalité du vice-premier ministre prive le gouvernement de sa majorité
En Australie, la binationalité du vice-premier ministre prive le gouvernement de sa majorité
Par Isabelle Dellerba (Sydney, correspondance)
La Haute Cour d’Australie a invalidé l’élection de Barnaby Joyce à la Chambre des représentants. Le sort de la coalition conservatrice sera déterminé par une élection partielle, le 2 décembre.
Barnaby Joyce, pendant un discours du premier ministre Malcolm Turnbull, le 24 octobre à la Chambre des représentants, à Canberra. / STRINGER / REUTERS
Des élus australiens qui découvrent, un beau matin, qu’ils sont binationaux et, dès lors, inéligibles en vertu d’un article de la Constitution, l’histoire a d’abord fait sourire quand elle a débuté mi-juillet. Mais en quelques semaines, pas moins de sept parlementaires, de différents partis, dont trois ministres, ont appris qu’ils détenaient une nationalité étrangère, le plus souvent transmise par l’un de leurs parents. Le 24 août, le gouvernement conservateur de Malcolm Turnbull a saisi la Haute Cour pour qu’elle se prononce sur cet imbroglio politico-juridique. Elle a rendu sa décision vendredi. L’élection de cinq d’entre eux a été invalidée. La coalition au pouvoir, qui ne disposait que d’un siège d’avance à la Chambre des représentants, a perdu sa majorité absolue. Son avenir dépend désormais d’une législative partielle qui sera organisée, le 2 décembre, dans la circonscription du vice-premier ministre déchu Barnaby Joyce, seul député concerné – les autres sont des sénateurs. Un revers majeur pour Malcolm Turnbull.
L’article 44 de la Constitution, datant d’il y a cent seize ans, dispose qu’un citoyen ne peut devenir parlementaire s’il détient une autre nationalité. La raison : un risque de double allégeance. Mais le gouvernement a défendu le cas de cinq de ces élus devant la Haute Cour, au motif qu’ils ignoraient leur situation, qu’ils « n’ont pas volontairement acquis ou gardé » une deuxième nationalité et ne pouvaient donc pas servir les intérêts d’un pays étranger. Le chef de l’exécutif s’est toujours dit persuadé que ses ministres ne seraient pas « disqualifiés ». Sa position était soutenue par un certain nombre d’experts qui pensaient, en outre, que les juges saisiraient cette opportunité pour proposer une lecture plus libérale de cet article souvent qualifié « d’archaïque », peu adapté à un pays où la moitié de la population est née à l’étranger ou de parents immigrés.
« Tous les scénarios sont possibles »
Mais ils ont opté pour une interprétation stricte. Et désormais, tous les regards se tournent vers la circonscription de Nouvelle-Angleterre où va se jouer l’avenir des conservateurs. Le vice-premier ministre déchu, Barnaby Joyce, par ailleurs leader du Parti national (centre droit), a entre-temps renoncé à sa citoyenneté néo-zélandaise et se représente. Il est donné favori. Mais « tous les scénarios sont possibles, d’autant plus que cette élection partielle aura des conséquences au niveau fédéral », explique Zareh Ghazarian, politologue à l’université Monash de Melbourne. Alors que la coalition est moins populaire dans les sondages que l’opposition travailliste, les électeurs pourraient profiter de l’occasion pour exprimer leur mécontentement. En cas d’échec, le gouvernement, minoritaire mais disposant toujours de davantage de sièges à la Chambre des représentants que le Parti travailliste, devra se retourner vers les députés indépendants et convaincre, au moins l’un d’entre eux, de le soutenir.
Quoi qu’il arrive, Malcolm Turnbull devrait parvenir à se maintenir au pouvoir, mais c’est un premier ministre durablement affaibli qui dirigera désormais le pays.