Plainte contre Tariq Ramadan : l’antisémitisme se déchaîne envers Henda Ayari
Plainte contre Tariq Ramadan : l’antisémitisme se déchaîne envers Henda Ayari
Par Cécile Chambraud
Depuis qu’elle a accusé l’islamologue de viol, l’ancienne salafiste est la cible d’injures et de théories du complot sur Inernet.
Tariq Ramadan, en mars 2016 à Bordeaux. / MEHDI FEDOUACH / AFP
Dans les jours qui ont suivi sa plainte pour viol et agression sexuelle contre l’islamologue Tariq Ramadan, les injures contre Henda Ayari ont afflué sur les réseaux sociaux. Si les messages de soutien à l’ancienne salafiste ont été nombreux, ceux qui lui sont hostiles ont un ton haineux d’une rare violence. « Elle est chamboulée mais libérée et déterminée » compte tenu du « contexte particulièrement agressif », ont résumé ses avocats Jonas Haddad et Grégoire Leclerc, jeudi 26 octobre, lors d’une conférence de presse.
Une partie de ces messages hostiles reprennent les arguments auxquels se heurtent souvent les femmes qui portent plainte pour viol et qui peuvent se résumer ainsi : elle l’a bien cherché. « En islam, comme on le sait tous, il est interdit de s’isoler avec un homme même s’il est un proche de la famille. Elle a accepté en faisant semblant », écrit Karim Kheloufi sur la page Facebook d’Henda Ayari. D’autres, particulièrement orduriers, mentionnent son apparence physique pour mettre en doute les faits. Sa trajectoire religieuse elle aussi est utilisée contre elle. « Je ne savais pas que les salafistes allaient dans les hôtels, je pensais que pour elles, ce n’étaient pas des endroits fréquentables », écrit « Maria » sur Oumma, un site d’information musulman. Enfin elle est souvent accusée d’avoir organisé un scandale pour mieux vendre son livre, paru à l’automne 2016. « C’est juste pathétique de la part de cette personne qui accuse gratuitement pour salir et gagner la sympathie des gens et vendre son chiffon », écrit « Un humain » sur Oumma.
Le ton est d’autant plus virulent qu’il concerne une figure dont le prestige est grand auprès d’une partie des musulmans. On le constate sur les rares sites musulmans à avoir rédigé un contenu sur cette affaire. C’est le cas d’Oumma, dont les posts sur la plainte d’Henda Ayari et celle de Tariq Ramadan ont été abondamment partagés et commentés. « Cet homme, de par ses enseignements très riches est devenu un modèle pour la jeunesse musulmane du monde », y écrit Hamed Doumbia.
Beaucoup de commentaires lui demandent « combien » on l’a payée pour s’en prendre à l’intellectuel. Car derrière cette plainte, de nombreux contributeurs devinent un complot pour l’abattre et, à travers lui, l’islam tout entier. « Ça pue le coup monté à plein nez », affirme Ali Skandari sur Oumma. « Avouez que cela arrange beaucoup de monde en Occident cette accusation », écrit « Adjissa » sur le même site.
« A quand la barmitzva ? »
Et derrière ce complot, nombre de commentateurs voient la main des « sionistes » ou, plus ouvertement, des « juifs ». L’antisémitisme imprègne avec virulence une partie de ces messages. Leurs « signataires » (ce sont souvent des pseudonymes) relaient volontiers une affirmation avancée par l’Union française des consommateurs musulmans. Sur son site, cette association qui organise des rencontres « en soutien à Hani Ramadan », frère de Tariq, « interdit de territoire français depuis le 8 avril 2017 », a affirmé, dans un post intitulé « Tariq Ramadan face au sionisme international », que « le site en ligne prosioniste Europe-Israël recevra 5 % de commission sur les ventes de l’ouvrage de Henda Ayari ».
Un journaliste du Courrier de l’Atlas a bien expliqué que cette mention était le fruit d’un partenariat signé avec Amazon, qui reverse à l’association ce pourcentage pour (tous) les livres vendus à partir de son site, mais cela n’a pas découragé les complotistes. « Nous avons tous conscience que les milieux sionistes s’occupent en premier lieu à vouloir détruire toutes les tendances islamistes, Tariq Ramadan faisant partie de cet effluent », assure Ahmed Eddalkra sur le site de l’Union des consommateurs musulmans. « Jesuisuneputesioniste », résume « Mohamed Papillon » sur le Facebook d’Henda Ayari.
Le nom de l’un des avocats d’Henda Ayari est aussi appelé à la rescousse. « Voici le 2e indice : avocat Jonas Haddad (certainement un membre de CRIF et LDJ) », écrit Filastine sur Oumma. « Son cabinet d’avocats se nomme Haddad-Touati-Allouche, à quand la barmitzva ? » demande Abou Tahar al-Tlemceni sur le même site. « Histoire fabriqé par des juifs pour casser Tarik, c une put tout simplement », assène « ha’s58 » sur Youtube. « Si tribunal il y a je lui conseille d’aller demander l’asile en Israël parce qu’elle va en prendre plein la tronche », prévient « Ben » sur Oumma. Voilà comment, pour une partie des commentateurs des réseaux sociaux, la plainte pour viol d’une ex-salafiste contre un islamologue musulman résulte… d’un complot « des juifs » et des « sionistes ».