La salle de billard. / L. JEDWAB/"LE MONDE"

La « maison à l’italienne » de la propriété Caillebotte, à Yerres, longtemps négligée, a été restaurée avec faste, grâce aux contributions d’institutions publiques et de mécènes privés. Des prêts exceptionnels du Mobilier national et la préemption en salle de ventes du mobilier même de la chambre à coucher familiale, en 2016, ont permis de reconstituer au plus près ce qu’a pu être cette riche villégiature bourgeoise du XIXe siècle, associée à une figure essentielle de l’impressionnisme. Un décor de paysages en papier peint a ainsi été réédité pour la salle à manger. La salle de billard, quant à elle, s’inspire d’un tableau de Gustave Caillebotte lui-même, inachevé, intitulé... Le Billard.

Après avoir appartenu au cuisinier Pierre-Frédéric Borrel, propriétaire du très renommé « Rocher de Cancale », et, par la suite, à la veuve d’un célèbre orfèvre de Napoléon Ier et ébéniste, la propriété de Yerres sera rachetée par le père du peintre en 1860, avant d’être revendue en 1879. Son dernier propriétaire, avant que la municipalité ne l’acquière en 1973 pour une somme symbolique, sera l’entrepreneur Paul Chaslin, le concepteur, dans l’après-68, des bâtiments de la fameuse université de Vincennes. C’est la municipalité qui a décidé de redonner son lustre à l’ensemble constitué par la maison de plaisance – le « casin » – et le vaste domaine.

Le « casin », ou maison de plaisance, de la propriété Caillebotte. / L. JEDWAB/"LE MONDE"

Vivant dans une aisance matérielle due à l’activité paternelle de fourniture de drap à l’armée de Napoléon III, le jeune Gustave a joui très tôt de ses séjours estivaux au bord de l’Yerres. Peintre, il immortalisera celle-ci... sous la pluie (L’Yerres, effet de pluie, 1875), parcourue par des canotiers (Partie de bateau, 1877-1878) ou scrutée par des pêcheurs (Pêche à la ligne, 1878). Mais c’est aussi dans le jardin qu’il prit ses sujets, représentant des personnes de son entourage cousant ou lisant à l’ombre d’orangers en caisse (Portraits à la campagne, 1876, ou Les Orangers, 1878).

L’exposition permanente évoque ainsi l’auteur des Raboteurs de parquet (1875) ou du Pont de l’Europe (1876), mais aussi ses frères, dont l’un s’exerça avec talent à la photographie et l’autre fut curé à Notre-Dame de Lorette. Gustave, lui, malgré sa trop brève vie (1848-1894), eut le temps (et les moyens) d’endosser de nombreux habits : mécène, collectionneur, philatéliste, constructeur de bateaux, marin et... jardinier. Activité de jardinier qu’il poursuivra en 1882 dans sa nouvelle propriété du Petit-Genneviliers (malheureusement détruite par un bombardement lors de la seconde guerre mondiale).

Le kiosque « anglo-chinois », qui surmonte la glacière enterrée / L. JEDWAB/"LE MONDE"

Dotée dès l’origine d’un parc à l’anglaise, la propriété yerroise, bordée sur toute sa longueur par la rivière, comprenait plusieurs fabriques et bâtiments utilitaires ou décoratifs. La « ferme ornée » abrite aujourd’hui un espace d’exposition. Le surprenant chalet suisse (une laiterie à l’époque des Caillebotte, un restaurant - salon de thé aujourd’hui), l’orangerie et le vaste potager (entretenu et animé par une association) rappellent la vocation autant agricole qu’horticole du domaine. Une volière, une passerelle qui enjambe un jardin d’eau conçu par le paysagiste Louis Benech, une petite chaumière, une chapelle très XIXe et surtout un kiosque « anglo-chinois » surmontant une glacière avec sa grotte en meulière déclinent la grammaire des jardins. Que viennent compléter le vaste parc paysager, avec sa prairie, ses sous-bois et ses arbres remarquables, dont un cèdre majestueux et un imposant platane dûment labellisés.

La maison et le cèdre labellisé « arbre remarquable » par l’association Arbres. / L. JEDWAB/"LE MONDE"

Propriété Caillebotte, 8, rue de Concy, Yerres (Essonne). Le parc est accessible gratuitement de 9 heures à 18 h 30 (horaires d’hiver). Horaires d’ouverture de la maison Caillebotte et tarifs sur www.proprietecaillebotte.com