Y a-t-il un coupable du drame AZF ? La justice rend mardi 31 octobre sa décision à propos de l’explosion meurtrière de l’usine chimique en septembre 2001 à Toulouse, au terme du troisième procès de la pire catastrophe industrielle récente en France. Epilogue de 16 ans de bataille judiciaire qui ont laissé des plaies à vif, la cour d’appel de Paris tranchera en début d’après-midi sur ce drame ayant fait 31 morts et 8 000 blessés.

Après quatre mois d’audiences, retransmises en direct à Toulouse et dans une relative indifférence médiatique, l’accusation avait estimé en mai que Serge Biechlin, directeur de l’usine qui avait explosé le 21 septembre 2001, était bien coupable d’« homicides involontaires ». Le parquet général avait requis trois ans de prison avec sursis et 45 000 euros d’amende contre lui et 225 000 euros – l’amende maximale – contre la société exploitante Grande Paroisse, filiale du groupe Total et gestionnaire du site aujourd’hui rasé.

Lors du premier procès en 2009 à Toulouse, l’homme comme l’entreprise avaient été relaxés au bénéfice du doute. Ils avaient en revanche été lourdement condamnés en appel en 2012, pour « une pluralité de fautes caractérisées et graves » ayant rendu la catastrophe possible. Mais cette condamnation avait été annulée par la Cour de cassation pour défaut d’impartialité d’un magistrat, engagé dans une association d’aide aux victimes.

Le troisième procès n’a pas apporté de révélations, mais la décision de la justice est très attendue par les victimes, épuisées par des années de procédures et des séquelles parfois lourdes de l’explosion.

Des « hypothèses folles » avancées par la défense

Le 21 septembre 2001 à 10 h 17, une très violente explosion dans cette usine chimique toulousaine à haut risque entraîne la mort de 31 personnes, dont 21 sur le site. Des milliers de personnes sont blessées à plusieurs kilomètres à la ronde, les dégâts matériels sont considérables. « Un sentiment d’apocalypse », des « grincements de ferraille » puis le souffle qui vient « exploser la vitre » : plus de quinze ans après, pour les anciens travailleurs d’AZF, le traumatisme est intact. Beaucoup se sont sentis floués, insatisfaits de n’avoir pas pu « monter à Paris » pour assister à ce troisième et probablement dernier procès.

Comme les précédentes, cette audience au long cours, émaillée de débats très techniques, a vu s’affronter deux visions de la catastrophe. Les victimes – 2 700 se sont constituées parties civiles – ont demandé à la justice de retenir le scénario d’une explosion due au déversement accidentel d’un produit chloré sur un tas de nitrate d’ammonium, rendu possible par une mauvaise gestion des déchets de cette usine classée Seveso 2.

L’accusation s’est attachée à démonter les « hypothèses folles » qui courent depuis quinze ans sur les causes du drame : chute de météorite, essais nucléaires, crash d’avion ou d’hélicoptère, missile… « Il n’y a pas de mystère AZF. Il y a une explosion qui a commencé dans le bâtiment 221 », où était stocké du nitrate d’ammonium, avait assené l’un des avocats généraux. La défense a émis des doutes sur cette piste dite « accidentelle », avançant d’autres hypothèses : un acte terroriste, dans une ville comptant des foyers de radicalisation islamiste, dix jours après l’attaque contre les tours jumelles du World Trade Center, ou une explosion due à de très vieux résidus de poudre dans le sol.

Pour les associations de victimes, ces théories alternatives relèvent de la « pure manipulation », qui « permet à Total de s’exonérer de sa responsabilité ». Le groupe pétrolier, qui dit avoir déboursé 2,5 milliards d’euros au titre de sa responsabilité civile, rejette toute faute pénale. Les parties civiles ont demandé, en vain jusque-là, que la maison-mère soit jugée en même temps que sa filiale. La cour d’appel se prononce également à cet égard mardi.